Les employés de Bombardier Aéronautique ne sont pas aveugles. Ils voient les avions qui s'accumulent dans le stationnement derrière l'usine de Dorval. Et ils s'attendaient à des mises à pied. Ce n'est donc pas la nouvelle elle-même, mais plutôt son ampleur qui a surpris hier.

Rencontré à son entrée au boulot, peu avant 15 heures, Marc Fontaine disait s'attendre à 1000 ou 1200 mises à pied au total dans le monde. Pas 3000, y compris un millier dans la région de Montréal.

 

À Dorval, où sont assemblés les avions d'affaires Challenger 300, 605 et 850, plusieurs centaines de personnes risquent d'être affectées par la forte baisse des commandes dans ce segment. «Le marché de l'usagé est tellement fort, et les prix baissent», dit M. Fontaine.

Même si l'annonce des mises à pied survient au moment où Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] fait état de profits annuels records, le syndicat se montre compréhensif.

«Il faut se mettre dans le contexte, dit Yvon Paiement, président de la section locale 712 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. Les chiffres sont intéressants, mais nous ne vendons pas d'avions. Du côté syndical, nous demandons toujours à Bombardier de bien faire ses calculs et de faire preuve de modération.»

L'espoir de la CSeries

Certes, les employés se résignent, confirme le formateur René Jolin, aussi rencontré à l'usine de Dorval. «Mais l'aéronautique fonctionne par cycles, ça va remonter, dit-il. Ce n'est pas la fin.»

«Si l'on peut porter un regard positif, si nous traversons 2009 de manière contrôlée, les travailleurs vont revenir rapidement dans les usines, soutient Yvon Paiement. Si le marché peut reprendre un peu de vigueur, nous repartirons en grande, affirme-t-il. Il y a un élan d'optimisme pour 2010.»

L'espoir repose surtout sur la CSeries, dont les retombées seraient significatives dans les usines de Montréal.

«Je me dis: gardons le moral et espérons que les mesures seront aussi temporaires que possible, affirme Yvon Paiement. C'est clair que nos gens travailleront sur ce projet-là. Il faut seulement que le ralentissement économique ne dure pas trop longtemps.»

En ce qui concerne l'aviation d'affaires, la reprise ne devrait pas avoir lieu avant un an ou deux, selon ce qu'a indiqué en conférence téléphonique le président de Bombardier aéronautique, Guy Hachey.

Dans un rapport sectoriel publié à la mi-mars, l'analyste d'UBS David Strauss prévoit des baisses de livraisons d'avions d'affaires Bombardier jusqu'en 2011 inclusivement. Selon ses estimations, leur nombre aura alors diminué de 40% par rapport à 2008.

Mais le professeur Jacques Roy est catégorique: Bombardier finira par rappeler ses employés mis à pied depuis le début de l'année. Car l'aviation d'affaires reste un secteur porteur à long terme.

«Les avions d'affaires ont mauvaise presse depuis que les dirigeants des compagnies automobiles sont allés quêter de l'argent à Washington dans leurs avions privés, dit le professeur de HEC Montréal. Au-delà de ces considérations anecdotiques, ils sont généralement utiles et économiques pour l'entreprise.»

Québec soutiendra les employés

En attendant, les prochaines semaines seront ardues pour les employés qui écoperont.

«C'est très difficile, nous a confié Danielle A. à la fin de son quart de travail. On ne sait pas encore exactement qui part, mais on sait que les plus jeunes seront affectés. Pour eux, ce ne sera pas facile de trouver autre chose dans cette période de récession.»

Le gouvernement provincial entend venir en aide aux 1000 travailleurs mis à pied. Pour le premier ministre Jean Charest, le gouvernement se préoccupe que ces travailleurs «puissent rester en formation afin de rebondir le plus rapidement possible» après la récession.

Le programme «Pacte pour l'emploi», qui relève du ministre Sam Hamad, sera mis à contribution. De concert avec l'Ontario, le Québec a ajusté les règles pour permettre à des chômeurs en formation de bénéficier tout de même des prestations. Hier, le ministre Hamad a indiqué aussi que la période d'aide pourrait être allongée au besoin.