La CSeries peine à prendre son envol. Bombardier (T.BBD.B) avait prédit une commande ferme pour sa nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places avant la fin de son exercice financier.

Cet exercice a pris fin le samedi 31 janvier, et les commandes fermes se font toujours attendre. Bombardier réitère cependant qu'une annonce est imminente.

 

«Nous parlons avec plusieurs clients, nous avons bon espoir d'annoncer quelque chose bientôt, affirme le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne. Le marché est là, c'est clair. Ça va fonctionner.»

Bombardier a lancé la CSeries le 13 juillet dernier, au salon aéronautique de Farnborough. Le transporteur européen Lufthansa a signé une lettre d'intérêt pour un maximum de 30 commandes fermes et 30 options supplémentaires. La direction du transporteur a fait savoir qu'elle transformerait la lettre d'intérêt en commandes fermes et en options «au cours de l'année».

Manifestation d'intérêt

M. Duchesne rappelle que d'autres entreprises ont publiquement fait connaître leur intérêt, comme Qatar Airways et la firme de location International Lease Finance Corporation (ILFC). Cette dernière a cependant été mise en vente par sa société mère, AIG, qui cherche à rembourser au gouvernement américain un financement d'urgence de 150 milliards de dollars.

Des médias spécialisés ont rapporté récemment que le transporteur mongol Eznis avait signé une lettre d'intérêt pour sept appareils de la CSeries, mais Bombardier n'a pas voulu confirmer cette information.

Le vice-président de la firme d'analyse américaine The Teal Group, Richard Aboulafia, croit que le retard dans les commandes fermes est dû à l'environnement économique difficile, mais aussi à la crainte qu'éprouvent les clients potentiels au sujet de nouvelles technologies qui n'ont pas encore fait leurs preuves. Les transporteurs ont été échaudés par des programmes d'avions de haute technologie, comme le Boeing 787, qui ont connu des délais importants.

L'analyste américain ajoute que le plan de production de la CSeries quintuple la crainte des clients.

«Le fuselage doit provenir d'une compagnie (Shenyang Aircraft Corporation, une filiale du géant chinois AVIC I) qui n'a jamais rien bâti du genre et qui doit le livrer de quelque part en Chine, affirme-t-il. À côté de cela, le problème du Learjet 85 de Bombardier avec Grob, ce n'était rien.»

Bombardier avait confié à la société suisse Grob le soin de concevoir la structure en matériaux composites du nouveau biréacteur d'affaires Learjet 85. L'avionneur montréalais a dû se retourner rapidement et assurer lui-même ce travail de conception lorsque Grob s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites.

M. Aboulafia croit que Bombardier avait le choix entre plusieurs constructeurs d'expérience pour le fuselage, comme Finnmeccanica et Mitsubishi.

«Shenyang est un choix très spéculatif avec un mode de livraison très incertain», soutient-il.

L'analyste ajoute que si les clients étaient prêts à accepter des risques lorsque les prix du carburant étaient élevés, ils le sont beaucoup moins avec les prix actuels.

«Si les prix remontent, le projet de CSeries pourrait effectuer un retour», ajoute toutefois M. Aboulafia, qui estime que la nouvelle version de la famille d'appareils de 110 à 130 est beaucoup plus prometteuse que l'ancienne version, mise sur la glace en 2006.

L'avenir

«Si Bombardier ne lance pas le projet, il devrait réduire les dépenses qui y sont liées, mais il devrait quand même continuer à en financer une partie, affirme M. Aboulafia. Si le projet ne démarre pas maintenant, il peut démarrer plus tard.» L'analyste croit que, en attendant, Bombardier devrait travailler à d'autres projets, comme une nouvelle famille de turbopropulseurs ou de nouveaux biréacteurs d'affaires.

«L'entreprise pourrait arriver avec un plan d'attaque pour dominer l'aviation d'affaires, lance-t-il. Actuellement, ce marché connaît des difficultés, mais il va rebondir, il le fait toujours.»

Les concurrents

Deux concurrents de Bombardier en aviation d'affaires, Cessna et Gulfstream, ont annoncé la semaine dernière d'importantes réductions de production.

Les analystes ont dit s'attendre à ce que l'avionneur montréalais réduise aussi sa production, ce qui a provoqué une chute de 14% du cours de l'action de Bombardier jeudi et de 6% vendredi.

L'analyste Chris Murray, des Marchés mondiaux CIBC, croit que ce mouvement de vente n'était pas nécessaire. Il s'attend à ce que Bombardier réduise la production de ses petits appareils, comme les Learjet, mais pas celle de ses plus gros, qui offrent une plus grande marge de profits.

M. Duchesne indique que Bombardier analysera les données du quatrième trimestre avant de prendre une décision sur la cadence de production. «Nous sommes optimistes au sujet des bases à long terme du marché pour nos produits», affirme-t-il.