Amateur de grands crus et disc jockey (DJ) à ses heures perdues, David Solomon, nommé mardi PDG de Goldman Sachs, la banque des puissants au modèle économique déclinant, est un banquier atypique dans l'univers feutré des «Golden Boys» de Wall Street.

À 56 ans, «DJ D-Sol», son nom de scène, a réussi à arracher un des postes les plus influents de la finance mondiale après une lutte de pouvoir de plus d'un an émaillée de coups d'éclat, comme le départ retentissant en mars d'un de ses plus sérieux rivaux.

David Solomon n'est pas une vedette de Wall Street même s'il a été aux platines dans des boîtes de nuit de New York ou Miami. Son compte Instagram «djdsolmusic» recense les photos de différentes soirées, dont la dernière remonterait au 7 avril au club branché Libation à Manhattan. Son dernier «tube», Don't Stop, est sorti, lui, le 4 juin.

Contrairement à son prédécesseur, ce mordu de ski n'est pas un courtier, mais plutôt un banquier d'affaires davantage réputé pour ses qualités de cadre que pour les «deals» dans lesquels il est intervenu.

«Avec lui, Goldman Sachs sera entre de bonnes mains pour poursuivre son chemin au-delà de son 150e anniversaire qui tombe l'année prochaine», estime l'ancien banquier d'affaires William Cohan.

David Solomon a débuté sa carrière à Wall Street dans les années 80 chez Drexel Burnham Lambert, où il essayait de placer les obligations des entreprises avant de rejoindre Bear Stearns. Ces deux firmes ont aujourd'hui disparu.

Ce New-Yorkais, marié, comprend les risques, dit-on de lui à Goldman Sachs, où il entre en 1999 comme «associé», fait rare, car il est de tradition de faire ses preuves pour accéder à un tel accessit.

Discret sur la politique

Il y développe la division des «obligations de pacotille» (junk bonds) et est promu en 2006 codirigeant de la banque d'investissement, qui conseille les entreprises dans leurs opérations de fusions-acquisitions et de levées de fonds.

David Solomon est crédité pour avoir donné ses lettres de noblesse à cette division, dont le moral était en berne face à la toute-puissance des courtiers. Il y avait mis en place une politique de zéro prime pour les 5% d'employés les moins performants.

Il incombe désormais à ce grand gaillard au crâne chauve, n'hésitant pas à s'afficher avec des rappeurs comme Sean - Diddy - Combs, la délicate mission d'insuffler un nouveau souffle à Goldman Sachs, qui a fini par reconnaître seulement récemment que les activités spéculatives ne rapporteront plus autant que par le passé.

Goldman Sachs a annoncé en septembre un plan de relance de hausse des revenus de 5 milliards de dollars d'ici 2020 axé sur la croissance des activités de prêts et un développement de la banque d'investissement. L'établissement est également en train d'ouvrir des agences dans des villes américaines de taille moyenne.

Il revient également à cet amateur de grands crus - son ex-secrétaire lui avait dérobé entre 2014 et 2016 des centaines de bouteilles de vins renommés - de finir de redorer la réputation de la banque, ternie par son rôle controversé dans la crise financière.

En interne, M. Solomon a déjà commencé à pousser vers un changement de culture: il est à l'origine des initiatives de Goldman Sachs pour améliorer les conditions de travail des jeunes recrues, et notamment l'allègement de leurs horaires et de leur charge de travail. Il a poussé également à davantage de diversité dont plus d'embauches des femmes ainsi que leur promotion et veut abolir les chapelles existant au sein de la banque.

Discret sur ses préférences politiques, il a déclaré avoir été admirateur d'Hillary Clinton en 2008 mais s'est dit déçu par elle en 2016 et n'a pas apprécié les critiques de Barack Obama à l'encontre de Wall Street.

Lors de ses passages chez Bear Stearns et Drexel Burnham Lambert, il avait aussi été en affaires avec Donald Trump, alors magnat de l'immobilier à New York.