Benoit Laliberté, fondateur controversé de l'entreprise informatique Jitec au cours des années 2000 puis reconnu coupable de fraude fiscale et délit d'initié, souhaite « se donner une deuxième chance au Québec ». Il veut y installer dans les prochains mois l'un des plus importants réseaux de minage de cryptomonnaies en Amérique du Nord.

Son entreprise, Blockchain Data Centers, cible une vingtaine de régions du Québec où elle dit vouloir construire, sous d'immenses dômes de toile, des centres de données consacrés au calcul des formules mathématiques complexes qui donnent naissance aux monnaies virtuelles comme le bitcoin.

« Les serveurs informatiques à l'intérieur des dômes, qui feront environ 10 000 pieds carrés, seront la propriété d'individus comme vous et moi, dit Benoit Laliberté en entrevue téléphonique. Nous lancerons d'ici deux semaines un site internet sur lequel il sera possible de commander en ligne ces serveurs. »

Pour une mise initiale de 5000 à 12 000 $US, son entreprise offre d'installer, de gérer et d'entretenir ces centres de données pour le compte de particuliers - « qui peuvent avoir des connaissances dans les cryptomonnaies ou pas » - et de leur remettre ensuite 50 % des revenus générés.

« On propose une solution clés en main pour les gens qui veulent investir dans le minage de monnaies virtuelles. Notre premier dôme sera monté à la fin du mois de mars dans la région de Montréal et il devrait être opérationnel un mois plus tard. »

L'homme d'affaires de 45 ans dit avoir déposé la semaine dernière auprès des autorités américaines une demande de brevet pour une technologie basée sur des « puits provençaux » et la simple circulation d'air, qui permet de n'utiliser aucune climatisation dans ces centres malgré l'intense chaleur dégagée par les serveurs informatiques.

« Les bâtiments seront construits sur des terres agricoles, qui sont moins chères que des terrains industriels, et situés près des autoroutes, poursuit le natif de Mont-Saint-Hilaire. Il s'agira de structures semi-permanentes qui ne nécessiteront pas des permis de construction, mais plutôt des permis d'installation. »

L'entrepreneur souhaite aussi y établir ce qu'il appelle des « crypto-dômes » où pourront se réunir les utilisateurs de ces centres. « Ce sera comme des clubs de tennis ou des clubs de golf où les gens vont pouvoir se rencontrer et discuter des cryptomonnaies, prendre un café, faire du remue-méninges sur l'évolution des monnaies virtuelles », explique-t-il.

Demande à Hydro-Québec ?

Benoit Laliberté dit avoir fait la semaine dernière auprès d'Hydro-Québec une demande en vue d'obtenir le tarif LG, réservé aux grands consommateurs d'électricité, ce que nie la société d'État.

« En date d'hier, nous n'avions pas reçu de demande formelle de branchement ou d'obtention d'un tarif préférentiel de leur part », dit le porte-parole d'Hydro-Québec Marc-Antoine Pouliot.

Blockchain Data Centers est une filiale à part entière de United American Corp. (UAMA), une société de Floride détenue à 80 % par la fiducie familiale de Benoit Laliberté. Le titre de UAMA, inscrit sur le marché hors cote, est en forte hausse depuis la mi-décembre, passant de 5 cents US à environ 30 cents hier. 

Démêlés judiciaires

Ciblé par un recours collectif, reconnu coupable de fraude fiscale et de délits d'initié en lien avec l'affaire Jitec dans les années 2000, Benoit Laliberté a quitté le Québec voici quelques années pour s'installer à Vancouver et investir dans le domaine des télécommunications.

« Ç'a été une des périodes les plus noires de ma vie », reconnaît-il aujourd'hui, tout en défendant son bilan.

« J'avais 27 ans à l'époque. Des erreurs, j'en ai fait. Mais c'était loin d'être des erreurs de mauvaise foi. J'ai gardé un goût très amer de mes ambitions d'entrepreneur au Québec. »

En novembre 2014, Benoit Laliberté a accepté de verser, conjointement avec diverses sociétés de courtage, 9,85 millions de dollars pour mettre un terme au recours collectif entrepris par d'anciens actionnaires de Jitec. La Cour du Québec l'a condamné en 2008 à verser des amendes de près de 1 million de dollars pour avoir violé la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

Il a aussi eu des démêlés avec Revenu Québec et Revenu Canada pour diverses infractions survenues au tournant des années 2000.

Aujourd'hui, Benoit Laliberté dit avoir tourné la page. « Je n'ai plus rien avec Revenu Québec ni Revenu Canada... Les recours collectifs, tout est terminé. Tout est fini. »