La Financière des professionnels, société de gestion de patrimoine de Montréal, a décidé de dissoudre son équipe de gestionnaires d'actions canadiennes pour confier le mandat à l'externe, à des firmes de Toronto.

Dans la foulée, le gestionnaire-vedette Marc-André Chartier, gestionnaire en actions canadiennes et stratégies alternatives, a vu son poste aboli. Il avait obtenu le prestigieux « Canadian TopGun Investment Minds Class of 2017 » pas plus tard qu'en mars dernier. Il n'a pas été possible de lui parler. Une autre personne de l'équipe a perdu son emploi, confirme l'organisme.

Fondée en 1978 par les professionnels eux-mêmes, la Financière gère notamment l'argent de médecins spécialistes québécois. Elle est aussi affiliée aux chirurgiens-dentistes, aux notaires, aux architectes et aux pharmaciens propriétaires. Elle compte 126 employés et 80 experts en placement et en gestion de patrimoine. Son actif sous gestion s'élève à 3,8 milliards.

Ce sont Alan Wicks et Conrad Dabiet chez Manuvie, à Toronto, qui géreront le portefeuille à la place de l'équipe de la Financière. La firme torontoise Beutel, Goodman hérite, pour sa part, du portefeuille Actions canadiennes dividende.

Cette décision fait grincer des dents dans le milieu de la finance à Montréal. On voit mal la valeur ajoutée pour la collectivité quand l'argent des Québécois, confié à une firme de gestion québécoise, sert à maintenir et à créer des emplois bien payés à Toronto.

« C'est une très mauvaise nouvelle », dit Jacques Bourgeois, professeur honoraire à HEC Montréal, à qui on a demandé de commenter. 

« Toute l'industrie financière montréalaise souffre, entre autres, parce que les caisses de retraite québécoises sont portées à donner des mandats de gestion à l'extérieur. »

- Jacques Bourgeois

Selon lui, il n'existe pas de bonnes raisons de confier le mandat à Toronto, sauf si on recherche une expertise pour des produits exotiques de placement. M. Bourgeois préside le comité de placement de la caisse de retraite des employés et des professeurs de HEC Montréal. Environ 75 % de l'actif de cette caisse est géré au Québec, insiste-t-il. Le rendement annuel composé depuis sa création en 1995 s'élève à 9,4 %.

UNE DÉCISION STRATÉGIQUE, DIT LA FINANCIÈRE

La perspective de la Financière des professionnels est différente. « On a pris une décision stratégique, explique François Landry, premier vice-président et chef des placements. C'est une tendance qui existe depuis plusieurs années, la pondération des actions canadiennes diminue dans nos portefeuilles. On l'a fait il y a trois ans ; on le fait présentement et c'est une catégorie d'actif qui va continuer de diminuer dans nos portefeuilles. Dans ce contexte, on a décidé de déplacer l'argent ailleurs à l'intérieur de l'équipe de gestion. Dans l'ensemble, on a une gestion interne et externe. L'idée est d'être le plus optimal possible pour nos clients. »

Ainsi, des sommes qui servaient à payer l'équipe d'actions canadiennes serviront à bonifier l'équipe interne qui s'occupe du portefeuille d'actions de pays émergents, donne en exemple M. Landry.

Le chef de placement fait remarquer que plus de la moitié du portefeuille d'actions canadiennes était déjà confiée à l'externe avant le dernier remaniement, dont certains mandats à des firmes montréalaises comme Triasima.

En outre, la Financière conserve ses équipes internes de gestion dans les catégories actions américaines, placements alternatifs (stratégie de marché neutre, fonds de répartition de l'actif) et revenu fixe.

CERCLE VICIEUX ?

Même si les pertes d'emplois sont minimales dans le cas de la Financière, ça crée un cercle vicieux, selon M. Bourgeois. Les gestionnaires torontois sont, par exemple, plus enclins à faire affaire avec des courtiers de Toronto. Dans le même ordre d'idées, ils auront une tendance naturelle à investir dans les entreprises qu'ils connaissent bien et moins dans les entreprises québécoises.

Louis Lévesque, DG de Finance Montréal, la grappe de l'industrie financière, dit ne pas observer de tendance quant à un exode des capitaux sous gestion au bénéfice de Toronto. Il n'a toutefois pas de données à présenter sur la part de marché de Montréal dans la gestion d'actifs des caisses de retraite québécoises.

- Avec la collaboration de Richard Dufour, La Presse