Avis aux entrepreneurs qui cherchent l'élan pour passer à la vitesse supérieure : un nouveau Fonds de croissance nord-américain de 675 millions, dont 202 millions pour le Canada, sera lancé aujourd'hui par CIC Capital. Le mot d'ordre dont s'enorgueillit cette entreprise française installée à Montréal depuis 2010 : patience.

COMMENT FONCTIONNERA CE FONDS DE CROISSANCE ?

CIC Capital Canada dispose de 150 millions US, sur 500 au total, qu'on veut investir dans des entreprises québécoises et ontariennes prometteuses. On vise des secteurs aussi variés que l'agroalimentaire, la santé, les technologies de l'information et l'aéronautique. Il ne s'agit pas d'entreprises en démarrage, puisqu'un des critères est d'avoir un bénéfice d'exploitation entre 3 et 15 millions. La participation peut aller de 5 à 20 millions, mais CIC Capital insiste pour rester minoritaire, au nom de l'autonomie des entrepreneurs.

Y A-T-IL UNE EXIGENCE DE RENDEMENT ?

L'entreprise dit que son fonds est « une source de capital patiente », qui ne vise pas le rendement à court terme, mais sur un horizon pouvant atteindre 10 ans. « Tous les fonds d'investissement vous diront qu'ils ont du capital patient, mais c'est souvent un terme galvaudé, explique en entrevue Christophe Tournier, membre du directoire de CM-CIC Investissement, la maison mère en France. On va en général vouloir sortir au bout de cinq ans, tout le monde parle de long terme, mais très peu l'appliquent vraiment. »

L'autre élément de ce Fonds qui se veut distinctif, c'est le réseau européen bâti par CM-CIC. « C'est là qu'on apporte une valeur ajoutée, estime Ludovic André, président de CIC Capital Canada et directeur général d'Emerillon Capital. Depuis notre implantation en 2010, on a eu la chance d'accompagner des entreprises en Europe, ou des entreprises européennes au Canada. Il y a eu des synergies transatlantiques. »

QUI EST CIC CAPITAL ?

Il s'agit de la filiale au Canada d'une banque coopérative française, Crédit Mutuel, à la structure semblable à celle du Mouvement Desjardins. Au sein de ce géant coopératif, CM-CIC Investissement gère un actif de 2,6 milliards d'euros - près de 4 milliards de dollars - réparti dans 350 sociétés.

Quelque 92 % de ses capitaux sont investis en France, et 3 % dans les Amériques. En 2010, on a ouvert une filiale à Montréal qui a lancé, en 2013, le Fonds de capital Emerillon en partenariat avec Desjardins. Celui-ci a investi dans une dizaine d'entreprises jugées prometteuses, majoritairement québécoises. La plus connue est Maluuba, spécialisée en intelligence artificielle et qui a été rachetée par Microsoft. Signe d'une volonté accrue d'explorer d'autres marchés que celui de la France, CM-CIC a ouvert dans la dernière année quatre nouveaux bureaux en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni. On veut s'implanter dans d'autres centres comme Boston, New York et Toronto.

POURQUOI AVOIR CHOISI MONTRÉAL ?

« On sent ici un terreau fertile, avec des entrepreneurs dynamiques qui ont vraiment besoin de s'internationaliser », répond M. André. Il note que la plupart des fonds d'investissement au Québec, institutionnels et privés, « sont plus axés sur le territoire ici. Pour aller en Europe, c'est plus compliqué. Peut-être qu'il y a là un manque, et c'est là [que ce Fonds] apporte une valeur ajoutée ». Preuve que M. André a suivi avec attention les débats entourant l'acquisition de Rona et des Rôtisseries St-Hubert, il tient à rassurer les Québécois. « On est ici pour apporter de la valeur sur le marché aux côtés d'acteurs existants. On n'est pas là pour acquérir des fleurons québécois pour les mettre sous bannière étrangère. »

EST-CE QU'IL S'AGIT D'UN NOUVEL ACTEUR IMPORTANT ?

Avec 202 millions au Canada, le Fonds de croissance nord-américain de CIC Capital est un acteur privé modeste comparativement, par exemple, au fonds de 1,6 milliard de Teralys Capital ou de Novacap. Il serait plutôt dans la même classe que le fonds Capital Croissance PME, une initiative de Desjardins et de la Caisse de dépôt et placement du Québec disposant d'une capitalisation de 540 millions.

« L'arrivée de ce fonds est une très bonne nouvelle : c'est signe que l'écosystème d'investissement est prospère et attire des joueurs d'envergure », dit Jack Chadirdjian, PDG de Réseau Capital, qui regroupe 130 organisations de l'industrie du capital d'investissement québécois. Deux cent deux millions en nouveaux capitaux, « ce n'est pas banal », rappelle-t-il. Il estime que cette stratégie vient combler un besoin critique chez les entrepreneurs, qui ont pu compter sur du financement pour le démarrage, mais peinent à trouver des partenaires pour aller plus loin. « CIC Capital ajoute une autre source de financement disponible. »