Présentée comme une solution de rechange canadienne à Apple Pay, suretap n'aura résisté que neuf mois à l'arrivée de son rival au pays. Cette plateforme de paiement mobile pour laquelle Bell, Rogers et Telus avaient uni leurs forces cessera ses activités le 26 août prochain.

Suretap a envoyé hier un message à ses quelque 180 000 utilisateurs, expliquant avoir été victime de « l'évolution du marché » ainsi que du « nombre accru d'options de services bancaires et de paiement mobiles offertes par CIBC, Desjardins, Banque Scotia ». Plus précisément, explique en entrevue son président, Almis Ledas, « les Canadiens sont tellement bien desservis en services financiers qu'il n'y avait pas beaucoup de place pour un nouveau produit ».

En fait, rappelle-t-il, suretap avait été introduite dès 2012 par Rogers avec l'ambition de regrouper les différents émetteurs de cartes de crédit sur une seule plateforme. Elle permettait d'enregistrer les cartes de paiement dans un portefeuille virtuel et d'utiliser la puce NFC de son téléphone intelligent, Android ou BlackBerry, pour faire le paiement sans contact. On avait en outre ajouté la possibilité d'y regrouper des cartes-cadeaux et des cartes de fidélité.

Les banques réticentes

Pour que le paiement mobile soit réalisé, le fabricant du téléphone, le fournisseur de services de télécommunications et l'émetteur de la carte de crédit doivent permettre l'opération.

Bell et Telus ont rejoint Rogers dans l'aventure et annoncé leur participation en 2015. Les activités de suretap ont été confiées à une entreprise torontoise fondée par les trois grandes entreprises de télécommunications en 2005, Enstream. Mais du côté des émetteurs de cartes de crédit, seuls CIBC et Rogers Bank ont répondu présents. 

« Ça ne s'est pas passé comme on l'espérait. Les banques ont préféré investir dans leur propre application pour mieux en garder le contrôle », explique Almis Ledas.

L'autre coup dur, ç'a été le refus net d'Apple d'ouvrir ses iPhone à une autre plateforme qu'Apple Pay, offerte au Canada depuis novembre 2015. « Si Apple avait été ouvert, ça nous aurait donné des occasions et facilité les discussions avec les émetteurs », estime le président de suretap. Résultat : suretap s'est retrouvée confinée au marché très fragmenté des appareils Android et BlackBerry, qui compte déjà une douzaine d'applications concurrentes, dont la populaire UGO. Samsung Pay et Google Pay sont également attendues dans les prochains mois au Canada.

Une croissance qui se fait attendre

M. Ledas reconnaît par ailleurs que suretap est très peu connue, surtout au Québec, où CIBC et Rogers Bank sont loin d'être des acteurs dominants. La fin des opérations de sa plateforme illustre, selon lui, la croissance plus lente que prévu du paiement mobile, qui tarde à s'imposer auprès des consommateurs. Une étude de la firme Catalyst, publiée en juin dernier, a révélé qu'à peine 14 % des Canadiens ont payé avec leur téléphone intelligent en 2015.

« C'est loin d'être mainstream, comme on l'annonçait, dit M. Ledas. Je ne crois pas que la croissance ait réellement commencé, nous en sommes encore à l'étape de la génération d'idées. Je suis convaincu que ça va arriver, mais tranquillement. »

Enstream, précise-t-il, est toujours bien vivante et continue d'offrir ses services aux entreprises pour les transactions mobiles. La Société de transport de Montréal (STM), d'ailleurs, est une de ses clientes. Annoncé en décembre 2015, un « prototype de billetterie mobile » qui permettrait de payer son titre de transport avec un téléphone intelligent est toujours en cours d'élaboration. « On poursuit les tests et le développement technologique avec Enstream, l'annonce pour suretap change peu de choses », indique Amélie Régis, porte-parole de la STM.