Plus de cinq ans après l'adoption d'une loi censée empêcher la mainmise du crime organisé sur les guichets automatiques privés, plus de la moitié de ces distributeurs de billets sont toujours illégaux.

Seulement 3647 guichets automatiques privés sur les 7500 que l'on trouve au Québec détiennent un permis. Les 3853 autres sont exploités illégalement par leurs propriétaires, selon des documents dévoilés par l'Autorité des marchés financiers (AMF), en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Les guichets privés ne font pas partie des réseaux d'institutions financières, mais sont affiliés au réseau Interac. Ils prélèvent jusqu'à 5 $ sur chaque retrait, en plus des autres frais qui peuvent atteindre 4 $, facturés par votre institution financière et par le réseau.

En avril dernier, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a demandé à l'AMF de retracer les guichets privés non accrédités, dont le nombre était alors estimé à une centaine, à la suite d'une série de reportages du Journal de Montréal, qui avait débusqué des appareils sans permis jusque dans l'hôtel du Parlement. D'autres étaient exploités par des gens ayant des liens avec des criminels.

L'AMF indiquait à ce moment que 3420 permis avaient été délivrés, sans connaître le nombre total de ces guichets exploités au Québec. On mentionnait que les propriétaires eux-mêmes devaient informer le gendarme des services financiers qu'ils exploitaient un appareil.

«Nous avons fait une nouvelle estimation du nombre de guichets privés à la suite d'une demande d'informations. Il y en a assurément plus que ce que l'on pensait», explique Diane Langlois, porte-parole de l'AMF.

Mme Langlois n'a pas été en mesure de nous donner plus de précisions, hier, sur ces données et sur les démarches entreprises par l'AMF pour s'attaquer au problème.

Le fisc à la rescousse

Revenu Québec a offert son aide pour vérifier la légalité des guichets installés dans les bars, restaurants et dépanneurs. Ses enquêteurs s'y rendent déjà pour vérifier les modules d'enregistrement des ventes, qui colligent toutes les transactions de ces commerces.

La Loi sur les entreprises de services monétaires (LESM), adoptée en décembre 2010, donnait aux entreprises jusqu'au 30 juin 2013 pour se plier à de nouvelles règles pour obtenir un permis, notamment la vérification des antécédents des administrateurs et employés et leurs liens possibles avec le crime organisé. Le permis accordé à l'exploitant doit être affiché sur chaque appareil.

L'AMF estimait que de 5000 à 6000 guichets privés étaient exploités au Québec avant 2013. En 2014, l'organisme soutenait que l'entrée en vigueur de la LESM avait réduit leur nombre de moitié.

On soupçonne le crime organisé de s'en servir pour blanchir de l'argent provenant d'activités illégales. Un exploitant peut insérer de l'argent «sale» dans le distributeur de billets, ce qui lui permet ensuite de produire un état financier montrant que les sommes déposées dans son compte proviennent d'une institution financière légitime. Mais l'absence de retraits dans un compte bancaire pour remplir le guichet automatique peut être un signe de la provenance illicite des fonds. C'est pourquoi les entreprises accréditées par l'AMF doivent tenir un registre à jour des transactions précisant notamment la source des liquidités.

- Avec la collaboration de William Leclerc