Deux courtiers de la banque néerlandaise Rabobank ont été reconnus coupables jeudi par un tribunal new-yorkais d'avoir tenté de manipuler le taux interbancaire Libor sur la parité dollar/yen.

Ces condamnations sont une victoire pour le département de la Justice américain (DoJ), très critiqué pour n'avoir jusqu'à présent amené aucun banquier devant les tribunaux pour leurs errements à l'origine de la crise financière. Elles sont les premières à être prononcées aux États-Unis dans ce dossier tentaculaire.

Anthony Allen et Anthony Conti, qui sont tous deux de nationalité britannique, verront leur peine prononcée en mars prochain, a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué. Ils encourent jusqu'à dix ans de prison.

Ce verdict porte à cinq le nombre de banquiers condamnés dans cette affaire. En août, Tom Hayes, un ex-courtier d'UBS et de Citigroup, avait été condamné à Londres à 14 ans de prison pour avoir orchestré de septembre 2006 à septembre 2010 un système de collusion avec des courtiers des banques suisse UBS et américaine Citigroup, mais aussi avec ceux d'autres établissements, afin d'influer à leur avantage sur le niveau du Libor.

Le Libor (London InterBank Offered Rates) est un taux interbancaire de référence dans le monde de la finance ayant une incidence sur une masse énorme de produits financiers, dont certains prêts aux ménages et aux entreprises.

Il était fixé quotidiennement par 16 des principales banques mondiales de manière consensuelle et servait notamment à déterminer le taux auquel elles se prêtent de l'argent entre elles.

La partie n'est pas terminée

«Des preuves établies pendant le procès ont montré qu'(Anthony) Allen, qui était le chef de Rabobank pour le marché des liquidités, a mis en place un système par le biais duquel des employés de Rabobank qui agissaient sur des produits dérivés assis sur le Libor pouvaient influencer d'autres employés qui soumettaient leurs propositions pour la fixation du Libor auprès de l'association des banquiers britanniques (BBA)», a souligné le DoJ.

Cette combine, qui a duré entre 2006 et 2011, a permis aux courtiers de s'enrichir, affirme le ministère.

Rabobank elle-même avait accepté en octobre 2013 de payer au total 844 millions $US d'amendes aux autorités financières de plusieurs pays dans cette affaire, dont les 3/4 aux États-Unis.

Se disant déçu, Aaron Williamson, l'un des avocats d'Anthony Conti, a confié à l'AFP que la partie n'était pas terminée.

Lui et ses collègues ont demandé l'annulation de la procédure au prétexte que l'accusation n'aurait pas dû utiliser des témoignages fournis par MM. Conti et Allen aux autorités britanniques. Il dit que leur requête se fonde sur une disposition de la Constitution américaine.

Une audience devrait normalement se tenir d'ici fin novembre.

«Si le juge nous donne raison, on devrait repartir de zéro: nouvelle mise en examen, nouveau procès», a affirmé à l'AFP Me Williamson.

En attendant, le ministère de la Justice espère tirer profit de cette victoire au moment où il enjoint à ses procureurs de se focaliser moins sur les amendes et davantage sur les malversations des individus dans les dossiers de délinquance en col blanc.

«Ces verdicts illustrent le succès des efforts du département pour tenir responsables les responsables de banques de conspirations de fraude globales», souligne Leslie Caldwell, une des ministres adjointes de la Justice.

Les verdicts, poursuit-elle, démontrent aussi «les efforts en cours du département pour tenir individuellement responsables les cadres qui se servent de leurs fonctions pour commettre des actes de fraude».

Le ministère de la Justice essaie actuellement de réunir des éléments de preuve pour traîner en justice des banquiers et courtiers dans le scandale des manipulations des taux de devises, pour lequel des milliards de dollars d'amendes ont été infligés aux grandes banques de part et d'autre de l'Atlantique.