À un mois de la retraite, le président et chef de la direction de la Banque Laurentienne, Réjean Robitaille, n'a toujours pas entamé le ménage de son bureau, occupé qu'il est à achever la transition et compléter son dernier tour de piste pour ses quelque 3700 employés.

Après l'ensemble des succursales, les derniers arrêts de la tournée de celui qui est aux commandes de l'institution financière depuis 2006 sont prévus cette semaine, dans les bureaux montréalais.

«La banque a bien fait au cours des dernières années, surtout parce que c'était un travail d'équipe. C'est important pour moi de les remercier avant de quitter», explique M. Robitaille, dans son bureau du centre-ville de Montréal, au cours d'une entrevue avec La Presse Canadienne.

Le 1er novembre, au terme d'une carrière de 27 ans à la Banque Laurentienne, dont neuf comme grand patron, M. Robitaille, 55 ans, cédera les rênes à François Desjardins. La nomination de ce dernier, qui cumule 24 années d'expérience au sein de l'institution,  avait été annoncée en février.

«Après neuf ou 10 ans (en poste), c'est à peu près une loi non écrite, les changements sont prévus, explique M. Robitaille, faisant référence aux changements à la tête des grandes banques canadiennes depuis quelques années. Je suis toujours aussi serein qu'au moment de l'annonce de ma retraite.»

En dépit d'une crise financière mondiale en 2008 ayant provoqué le resserrement de nombreuses règles dans le secteur bancaire, M. Robitaille laisse derrière lui un bilan reluisant. Sous sa gouverne, les huit dernières années ont été les meilleures dans les 169 ans d'histoire de la Banque Laurentienne au chapitre de la croissance.

De 2006 à jusqu'au troisième trimestre de 2015, l'actif sous gestion a explosé de 129 pour cent pour atteindre 39,55 milliards $, alors que la croissance du dividende trimestriel s'est chiffrée à 93 pour cent, passant de 29 cents à 56 cents par action.

«Lors de ma nomination, la vie était belle et tout allait bien, raconte M. Robitaille, en faisant référence aux années précédant la crise financière de 2008. Si on m'avait dit "voici ce qui va se produire dans quelques années", est-ce que j'aurais accepté? La réponse est oui, parce que j'aime les défis. C'était, quand on regarde après coup, un énorme défi, qui a été très intéressant.»

Si la croissance s'inscrit parmi les plus importantes réalisations du président et chef de la direction de la Banque Laurentienne, ce dernier refuse de s'accorder tout le crédit, soulignant que la performance des huit dernières années est «tout à l'honneur des employés» de l'institution.

Malgré l'actuelle récession technique et la déprime des prix du brut ayant fait grimper les pertes sur créances de la quasi-totalité des banques canadiennes, M. Robitaille estime laisser la Laurentienne en solide position puisqu'elle n'a pas de prêts aux entreprises du secteur pétrolier et gazier.

Outre la performance des huit dernières années, il se dit également fier de sa contribution au sentiment confiance qui règne actuellement au sien de l'organisation et qui a déjà été moins présent lorsque la croissance n'était pas toujours au rendez-vous à certains moments dans le passé.

«Il y a neuf ans, si j'avais dit aux gens "on va doubler la rentabilité, la profitabilité et la taille (de la banque)", ils m'auraient regardé en disant "ce n'est pas cela que nous avons fait au cours des dernières années", explique M. Robitaille. Là, si on se fixait cet objectif, plus personne ne dirait cela.»

M. Robitaille concède toutefois que les perceptions de certains à l'égard de la Banque Laurentienne, considérée comme un «petit joueur au Québec seulement», le déçoivent «un peu».

«C'était ça quand je suis arrivée ici il y a 27 ans, mais ce n'est plus le cas, affirme-t-il. La Banque Laurentienne est une banque canadienne qui a des activités dans toutes les provinces et plus de 50 pour cent de ses profits proviennent de l'extérieur du Québec.»

M. Robitaille se plaît à souligner qu'il y a plus de 8000 banques en Amérique du Nord, et que la Banque Laurentienne occupe le 36e rang en ce qui a trait à sa taille.

«On peut se voir comme étant la plus petite banque des 36 premières ou la plus grosse des 7964 autres», dit-il.

L'actuel président et chef de la direction convient par ailleurs que plusieurs chantiers attendent son successeur, dont l'accélération du virage technologique, autant du côté de la clientèle et des entreprises que des systèmes de la banque.

Une fois retraité, M. Robitaille compte «prendre du recul pendant quelques semaines», même s'il suivra les activités de la banque, mais uniquement comme «client et actionnaire», afin, dit-il, de laisser les «coudées franches» à son successeur.