Plusieurs grandes banques américaines et internationales se retrouvent sur le gril aux États-Unis, où les autorités intensifient leur enquête sur les embauches des «fils et filles de» personnalités chinoises, selon des sources proches du dossier.

Les enquêtes, lancées en 2013, sont menées par le ministère de la Justice (DoJ) via le bureau du procureur de Brooklyn, l'antenne de la Réserve fédérale de New York et le gendarme de la Bourse, la SEC. Cette dernière est en première ligne, selon ces sources ayant requis l'anonymat.

Elle a adressé ces derniers mois des demandes d'informations à Goldman Sachs, Morgan Stanley, UBS, Credit Suisse, Deutsche Bank et Citigroup au sujet de dizaines de recrutements, selon des sources bancaires.

Et JPMorgan a reçu une citation (subpoena) exigeant qu'elle fasse parvenir à la SEC ses communications liées à une trentaine de hauts dirigeants chinois dont Wang Qishan, en première ligne dans la campagne anti-corruption en Chine, selon des sources proches du dossier.

Le gendarme de la Bourse aurait aussi demandé à la banque de lui fournir une liste de tout responsable d'agences gouvernementales chinoises, dont la Commission chargée de la supervision des actifs publics et le régulateur bancaire chinois, qui lui aurait recommandé des candidats.

Les autorités américaines soupçonnent ces banques d'avoir embauché à partir des années 2000 des «princes héritiers» («princelings») chinois dans l'espoir d'obtenir des contrats ou de s'assurer les connexions indispensables pour prospérer sur le marché chinois.

Le «pire candidat»

JPMorgan disposait entre 2006 et 2013 d'un programme de recrutement spécifique baptisé «Fils et filles de», selon les sources proches du dossier.

«La firme est en train de répondre et de coopérer avec ces enquêtes», a répondu à l'AFP la banque new-yorkaise.

Les régulateurs américains, qui disposent de courriels échangés entre employés de JPMorgan, sont troublés notamment par le recrutement en 2007 de Gao Jue, le fils du ministre chinois du Commerce qualifié pourtant de «pire candidat», selon les sources. Si ce ministère n'est pas un client de JPMorgan, il a le pouvoir en sa qualité de régulateur d'autoriser ou non les fusions d'entreprises.

Aucune malversation n'est reprochée pour l'instant à ces banques internationales.

Credit Suisse a embauché de 1999 à 2001 Wen Ruchun, sous le nom de «Lily Wen», la fille de l'ancien Premier ministre Wen Jiabao et l'a également payée comme collaboratrice de sa société Fullmark Consultants Limited, selon les sources. JPMorgan a aussi embauché Wen Ruchun comme consultante.

Goldman Sachs avait embauché Jiang Zhicheng, le petit-fils de l'ex-président chinois Jiang Zemin. Tang Xiaoning, le fils du président du géant financier China Everbright Group Tang Shuangning, a travaillé chez JPMorgan, Citigroup et Goldman Sachs.

Sollicitée par l'AFP, UBS a dit coopérer avec la SEC. Deutsche Bank, Credit Suisse, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup n'ont pas souhaité commenter.

Dans leurs derniers rapports d'activités, elles mentionnent cependant faire l'objet d'enquêtes de régulateurs américains sur leurs embauches en Chine et assurent y coopérer.

La SEC et le DoJ n'ont pas commenté.

Compétent

L'activisme des régulateurs a poussé ces banques à examiner des courriels sur des dizaines d'embauches et stages accordés en Chine, selon des sources bancaires.

Entre trois et quatre hauts responsables ont déjà quitté JPMorgan dont Fang Fang, qui fut vice-président de la banque d'investissement pour l'Asie et considéré par beaucoup comme le pont entre le Parti communiste chinois (PCC) et les fleurons de Wall Street.

La SEC, le ministère de la Justice et la Fed enquêtent dans le cadre de la loi anti-corruption FCPA (Foreign Corrupt Practices Act), qui interdit aux sociétés américaines et celles opérant aux États-Unis d'obtenir un avantage en échange d'un service.

«La question est de savoir si ces enfants sont qualifiés pour exercer les responsabilités qui leur sont assignées», a fait valoir James Gorman, patron de Morgan Stanley, sur la chaîne CNBC.

La plupart de ces «fils et filles de» ont souvent étudié dans de grandes universités américaines, notamment les plus prestigieuses comme Harvard.

«Il ne serait pas raisonnable de considérer que l'embauche de "fils et filles de" équivaut à de la corruption si ces derniers sont compétents», souscrit Jacob Frenkel, ex-procureur responsable des questions de corruption.