Confrontées à une réglementation accrue à partir de 2017, les grandes banques américaines se restructurent au prix de baisses d'effectifs, de réduction des bonus et de cessions d'activités spéculatives.

Moins de bonus pour les courtiers et les banquiers, frais administratifs élagués, désinvestissements accélérés, automates remplaçant les employés pour toute une gamme d'opérations bancaires et banque en ligne sont autant de recettes pour alléger les frais.

Première banque américaine en termes d'actifs, JPMorgan Chase veut économiser près de 5 milliards de dollars d'ici 2017, en fermant 300 agences.

En 2014, les rémunérations chez Goldman Sachs sont tombées à un nadir depuis l'entrée à Wall Street de la prestigieuse banque d'affaires en 1999.

Pour se conformer aux exigences des régulateurs, l'industrie bancaire procède également à des cessions d'actifs pourtant très rentables et essaie de diminuer les gros dépôts dormants en les taxant, comme vient de l'annoncer JPMorgan.

Goldman Sachs pour sa part est en train de réduire des participations dans des fonds d'investissement et des sociétés de capital-investissement, a indiqué à l'AFP un porte-parole.

Morgan Stanley allège sa présence dans le courtage des matières premières, des obligations, des taux, des devises (FICC) et a mis en vente sa division de courtage pétrolier. L'établissement new-yorkais préfère se concentrer sur la gestion de fortune, une activité moins risquée.

«Too big to fail»

Pour éviter une répétition de la crise de 2008 ayant vu les États à travers le monde contraints de recapitaliser leurs banques, les grands argentiers ont durci la règlementation.

Dans le viseur, le fameux «Too big to fail», le nom donné à ces grandes institutions financières dont l'effondrement menacerait le système financier tout entier.

Les règles de Bâle III imposent ainsi aux banques de renforcer leurs fonds propres, à la fois en qualité et en quantité. Ceux-ci doivent être équivalents à 7 % de leurs actifs. Autrement dit, si elles prêtent 100 dollars, 7 dollars de cet argent doivent leur appartenir en propre.

La banque centrale américaine (Fed) et le Conseil de stabilité financière (FSB) veulent aller plus loin.

Le FSB veut forcer les grandes banques mondiales à avoir un matelas de sécurité de 16 à 20 % de leurs actifs (pondérés par le risque) ou TLAC (Total Loss-Absorbing Capacity).

Quant à la Fed, elle envisage de demander aux huit grandes banques américaines un excédent de fonds propres de 1 à 4,5 % en fonction de leur taille (Global Systemically Important Banking organization - GSIB).

La banque centrale pourrait empêcher le versement des dividendes et les rachats d'actions en cas de manquement. La menace pèse déjà sur Bank of America (BofA) et Citigroup, rappelées à l'ordre l'an dernier.

«Nous voulons garder nos bénéfices stables et continuer à verser des dividendes et à racheter nos propres actions», explique à l'AFP un porte-parole de JPMorgan.

«Nous réduisons nos investissements et allons par conséquent céder des actifs», indique BofA dans son rapport annuel 2014, tandis que Citigroup évoque, elle, des «incertitudes».

«Opportunités»

Les banques américaines se voient aussi interdites de conduire des activités sur les marchés pour leur propre compte (Volcker rule). L'idée est de les empêcher de parier leurs fonds propres sur des positions de marché très coûteuses si elles tournent mal, comme l'a illustré l'affaire Kerviel chez Société Générale.

«Je ne pense pas que tout cet arsenal règlementaire va résoudre le ''Too big to fail''», estime l'ex-banquier reconverti analyste chez Kroll Bond Rating Chris Whalen, dénonçant l'«obsession» des grands argentiers pour les fonds propres.

Richard Bove chez Rafferty estime qu'en voulant trop contraindre les grandes banques, les régulateurs ont fini par leur donner un avantage concurrentiel face aux établissements de taille moyenne.

«Les grandes banques ont de gros profits et peuvent puiser dedans pour recruter le personnel compétent, s'équiper des technologies adéquates et mobiliser les ressources nécessaires», observe l'analyste.

Le régulateur des services financiers de New York Benjamin Lawsky reconnaît lui-même cette distorsion concurrentielle laissant le champ libre aux grandes banques dans certaines activités au détriment des petites.

Lors d'une intervention à l'université Columbia de New York le 25 février, il a livré le témoignage d'un patron d'une de ces petites institutions venu lui raconter ses difficultés face à cette «bulle régulative», qui monopolise des ressources humaines importantes au détriment de l'activité traditionnelle de banque. «Il va falloir ajuster», a-t-il conclu.