L'horizon se bouche pour les grandes banques américaines contraintes de moins spéculer dans un environnement réglementaire plus strict et des tensions accrues sur les marchés qui éloignent l'hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt.

Citigroup, JPMorgan Chase, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Wells Fargo ont gagné à elles cinq 18,3 milliards de dollars lors des trois derniers mois, selon les résultats publiés dans la semaine écoulée.

Bank of America (BofA), la deuxième banque américaine en termes d'actifs, est la seule à avoir perdu de l'argent: - 70 millions de dollars.

En dépit de ces bénéfices, les six fleurons de Wall Street ont suscité des interrogations sur leur rentabilité alors que les nuages s'amoncellent au-dessus de la croissance mondiale.

L'indice boursier du secteur, le KBW Bank, a décroché de 2,78 % sur les quatre premières séances de la semaine.

«Les grandes banques s'étaient préparées à une hausse des taux d'intérêt pour doper leurs revenus. C'est raté», explique à l'AFP Christophe Baker, analyste chez MorningStar. «Cette carte n'est plus sur la table».

La récente chute des Bourses mondiales pourrait conduire la banque centrale américaine (Fed) à maintenir sous oxygène l'économie, donc ses taux directeurs quasi nuls, selon un des membres de l'institution monétaire.

La chute mercredi du rendement des bons du Trésor à 10 ans sous la barre des 2 %, un plus bas depuis juin 2013, couplée à un repli plus fort que prévu des ventes de détails en septembre sont venus conforter ce scénario.

Or le taux de nombreux crédits imposé aux entreprises et ménages (immobiliers, consommation...) est corrélé sur les taux directeurs de la Fed.

Plus ceux-ci sont hauts, c'est-à-dire que la croissance est forte, plus les marges des banques commerciales sont importantes.

Bruce Thompson, le directeur financier de Bank of America, a prévenu que la marge nette de l'établissement serait amputée de 100 millions de dollars dans un scénario de taux faibles continus.

Le manque à gagner serait plus important chez Wells Fargo, premier fournisseur de prêts immobiliers aux États-Unis. Sa marge nette a glissé à 3,06 % au troisième trimestre contre 3,39 % il y a un an.

La marge nette est la différence entre les intérêts perçus et les intérêts réglés et est considérée comme l'une des mesures de la rentabilité des banques.

«Clairement, les investisseurs se demandent si la période de faibles taux va se poursuivre encore longtemps», s'inquiète Harvey Schwartz, directeur financier de Goldman Sachs.

Retour des litiges

Après les crédits immobiliers à risque «subprime», les grandes banques américaines font désormais face à un nouveau front judiciaire: les manipulations supposées des marchés de change.

JPMorgan et Citigroup ont augmenté chacune de 40 % les sommes, de l'ordre du milliard de dollars, mises de côté pour des accords éventuels. Les réserves de Bank of America sont de 700 millions de dollars. Il n'est pas sûr que ce soit suffisant.

«Les autorités britanniques et américaines doivent déterminer un montant des amendes suffisant tout en évitant de les déstabiliser», estime M. Baker.

Ces incertitudes interviennent dans un environnement réglementaire strict qui oblige les banques à consolider leurs bilans et leur interdit de spéculer pour leur compte propre.

Pour répondre aux niveaux de ratios prudentiels exigés par les régulateurs, les banques américaines sont obligées de s'alléger d'actifs risqués, redessinant ainsi leurs modèles économiques. Morgan Stanley parie sur la gestion de fortune et délaisse peu à peu le courtage.

Elles s'en remettent aux réductions de coûts (suppressions d'emplois, baisse des rémunérations) pour préserver à court terme leurs bénéfices.

Goldman Sachs a réduit à 33 % sur son chiffre d'affaires de 8,3 milliards de dollars le taux de rémunération de ses 33 500 salariés.

JPMorgan va licencier 1000 employés supplémentaires d'ici la fin de l'année après en avoir déjà fait partir 10 000. Son objectif initial était de 8000 suppressions d'emplois.

Chez Wells Fargo, John Shrewsberry, le directeur financier, avertit que la banque sera «plus vigilante sur ses dépenses».

Le retour de la volatilité devrait en revanche donner du sourire au courtage, notamment à celui des obligations, des changes et des matières premières (revenus fixes), vache à lait des banques, mais à la peine depuis l'année dernière.