La soudaine dépréciation du dollar canadien par rapport à son voisin américain préoccupe les consommateurs et les entreprises qui prévoient des dépenses à l'étranger. Pour payer des achats d'importations ou des frais de voyage, par exemple.

Mais parmi les principales banques canadiennes et les grands gestionnaires de placement, c'est tout le contraire qui est en train de se produire!

Même que si l'appréciation du dollar américain par rapport au huard - plus de 4% en un mois - se maintenait au cours des prochains trimestres, elle pourrait générer un apport notable en bénéfices et en rendement parmi les entreprises financières qui ont des actifs significatifs à l'étranger, aux États-Unis surtout.

Selon des analystes, cet apport approcherait déjà le demi-milliard de dollars en profits additionnels cette année parmi les banques qui ont de grosses filiales à l'étranger et les grandes sociétés d'assurances qui sont parmi les plus gros gestionnaires d'actifs financiers des Canadiens.

L'estimation des analystes est basée sur la hausse de 4% du taux de change du dollar canadien depuis le début de l'année par rapport aux principales devises du monde, dont le dollar américain.

Mais déjà, certains stratèges de placement s'attendent à une hausse additionnelle du taux de change au cours des prochains mois, qui pourrait s'élever jusqu'à 8% par rapport à son niveau de décembre dernier.

Si cette prévision s'avère, l'apport de bénéfices parmi les grandes banques et compagnies d'assurances approcherait le milliard de dollars dans leurs prochains résultats annuels, pour l'exercice 2014.

Mais d'où provient cet apport de bénéfices et de rendements?

En fait, pour y voir plus clair, il faut inverser la mesure habituelle du taux de change du dollar canadien. La mesure la plus médiatisée cote ces jours-ci autour de 89 à 90 cents US par dollar canadien.

Mais dans le milieu de la gestion de placement, c'est la mesure inverse de la valeur du dollar américain en cents canadiens qui est d'usage beaucoup plus commun. Surtout en ce qui concerne le rendement de leurs actifs situés hors du Canada.

Ces temps-ci, cette valeur du dollar américain cote autour de 1,11 $CAN, ou 111 cents. C'est 5 cents de plus qu'à la fin de décembre dernier, ce qui correspond à une hausse de 4,7% en moins d'un mois.

Selon des professionnels du placement, cette appréciation du dollar américain pourrait approcher les 115 cents CAN (1,15$CA) avant de se replier. Ce niveau équivaudrait à un dollar canadien à 87 cents US, selon la mesure plus populaire.

«La fluctuation du dollar canadien par rapport au dollar américain depuis le début de l'année a attiré l'attention de plusieurs traders et spéculateurs de devises. Et quand cela se produit, on voit souvent des overshoot en hausse ou en baisse, avant un repli et une certaine stabilisation», explique François Bourdon, vice-président et chef de la répartition globale de l'actif chez Fiera Capital.

Évidemment, un tel scénario demeure encore spéculatif. Ce qui est plus tangible dans l'immédiat, c'est que l'appréciation du dollar américain est avantageuse pour la valeur des actifs détenus à l'étranger, lors de sa comptabilisation après conversion en dollars canadiens.

Ainsi, c'est le rendement des portefeuilles canadiens en ce début d'année 2014 qui pourrait en être bonifié. Du coup, aussi, l'occasion d'une continuité avantageuse après l'année très forte en Bourse engrangée en 2013.

Par exemple, pour les investisseurs américains, l'indice boursier S&P 500 est en recul de 4% depuis le début de l'année. Mais pour les investisseurs canadiens, cet indice est encore en hausse de 0,9% lorsqu'on tient compte de l'appréciation du dollar américain par rapport au huard.

«En effet, la hausse de valeur du dollar américain s'avère un beau boni de rendement en début d'année sur nos placements dans cette devise, après conversion en dollar canadien dans nos états financiers», explique François Bourdon, de Fiera Capital.

En croissance rapide, cette firme montréalaise est rendue à 75 milliards en actifs sous gestion, dont un peu plus de 10 milliards sont investis en dollars américains.

Toutefois, souligne M. Bourdon, «nous ne gérons pas les stratégies de placement dans les portefeuilles de nos clients en fonction des variations à court terme du taux de change».

Contexte semblable à la Caisse de dépôt et placement où, selon les plus récents états financiers disponibles, un peu plus de 20% de l'actif total est aux États-Unis, investis en dollars américains. Cette part équivalait à 43 milliards$CA environ en fin d'exercice 2012, il y a un peu plus d'un an.

Toutefois, pour évaluer l'impact de la récente appréciation du dollar américain, il faudra attendre la divulgation des résultats annuels de la Caisse dans un mois, à la fin de février.

RENDEMENT BOURSIER EN FONCTION DU DOLLAR CANADIEN (depuis le début de 2014)

Indices / Rendement en devise nationale /Rendement en dollar canadien

S&P/TSX (Canada) +0,16% ($CA) /+0,16%

Dow Jones (USA) -5,0% ($US)/ +0,2%

S&P 500 (USA) -4,0% ($US)/ +0,9%

FTSE 100 (Londres) -3,0% (livres)/ +1,9%

CAC 40 (France) -3,2% (euros)/ +1,1%

DAX (Allemagne) -2,2% (euros)/ +2,0%

Nikkey (Japon) -5,5% (yen)/ +2,3%

Hang Seng (Hong Kong) -5% ($HK)/ -0,2%

Iovespa (Brésil) -7,6% (real)/ -5,8%

MEX-IPC (Mexique) -4,7% (pesos)/ -2,5%

Source : Bloomberg

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GAINS DE PROFITS ANTICIPÉS

(après baisse de 4%du dollar canadien en 2014 par rapport aux principales devises)

Croissance estimée du bénéfice (en%du b.p.a annuel consolidé)/ Croissance estimée du bénéfice (en$CAN)

BANQUES (1)

Banque Scotia +1,5% /99 millions

Banque Royale (RBC) +0,9% /76 millions

Banque Toronto-Dominion (TD) +0,8%/ 63 millions

Banque de Montréal (BMO) +0,9%/ 36 millions

Banque CIBC +0,6%/ 20 millions

ASSURANCES, PLACEMENTS (1)

Manuvie +3,3% /105 millions

Sun Life +2,2%/ 39 millions

Great West Lifeco +1,9% /50 milllions

Total anticipé: s.o./ 488 millions

Note 1 : Les principales entreprises de services financiers au Canada qui ont des activités et des placements significatifs en devises étrangères.

Sources : rapports d'analystes (TD Securities, Financière Banque Nationale)