Une prime d'assurance automobile 25% moins élevée en échange d'une surveillance constante de la conduite grâce au GPS. Tel est le marché que proposent de plus en plus de compagnies d'assurances.

Industrielle Alliance et Desjardins offrent toutes deux une assurance modulée selon la conduite du client: s'il fait des excès de vitesse ou des freinages et accélérations brusques, sa prime augmente.

Les habitudes de conduite

Une boîte noire contenant un GPS et un accéléromètre enregistre les données et les envoie plusieurs fois par jour à la compagnie d'assurances. Pour les excès de vitesse, par exemple, la vitesse est calculée chaque minute, en mesurant la distance parcourue pendant une seconde. Ensuite, elle est comparée à une carte des limites de vitesse colligée par le ministère des Transports. Selon Paul-André Savoie, président de Baseline Telematics, la firme qui analyse les données pour Industrielle Alliance, chaque compagnie d'assurance a un degré de tolérance pour les excès de vitesse. «Par exemple, sur l'autoroute, un excès de vitesse est comptabilisé à partir de 118 km/h, comme le fait la police. En ville, c'est plutôt 60 à 65 km/h.»

Pour les accélérations et les freinages brusques, un accéléromètre comptabilise ces travers, qui indiquent généralement une conduite risquée ou à tout le moins impulsive. Pour les motocyclistes, Baseline a de plus imaginé un accéléromètre mesurant la force centrifuge, pour détecter les conducteurs qui prennent les tournants à haute vitesse.

Desjardins offre un rabais aux automobilistes qui ne prennent pas le volant la nuit et le moins possible durant les heures de pointe. «La nuit, il y a de la fatigue et on voit moins bien; c'est le moment le plus risqué de la journée», explique Denis Côté, vice-président, commercialisation chez Desjardins Assurances. «Et durant les heures de pointe, il y a plus de risques d'accident.» La prime diminue également si l'automobiliste se sert peu de sa voiture.

Par ailleurs, Baseline vient de conclure un partenariat avec le géant des bases de données SAP, pour détecter d'autres facteurs de risque dans les habitudes de conduite dans les téraoctets de données glanées chaque jour par les boîtes noires des automobilistes.

Jusqu'à 25% de rabais

Les premiers clients d'Ajusto de Desjardins, lancé ce printemps, et de Mobiliz d'Industrielle Alliance, lancé en 2012, sont des jeunes, des automobilistes ayant eu plusieurs accidents et des automobilistes, au contraire, très prudents. «Les prudents sont tannés d'avoir des primes plus élevées à cause des autres», explique Paul-André Savoie, président de Baseline Telematics, la firme qui analyse les données pour Industrielle Alliance. «Les jeunes peuvent échapper aux primes très élevées de leur groupe d'âge. Et les automobilistes qui ont eu plusieurs accidents et ont décidé d'être plus prudents peuvent bénéficier plus rapidement de leur changement d'attitude au volant.»

Ajusto permet une baisse de prime allant jusqu'à 25%, avec un calcul sur une base annuelle. Mobiliz, dont les primes sont calculées chaque mois, prévoit un rabais allant jusqu'à 25%, mais aussi une pénalité pouvant doubler la prime pour les conducteurs délinquants. Dans les deux cas, les clients peuvent voir ce qu'on leur reproche en consultant un site internet sécurisé.

«Il y a eu plusieurs tentatives de lancer des produits similaires, mais la technologie n'était pas prête», explique Denis Côté de Desjardins Assurances. «Il fallait installer les appareils dans un magasin spécialisé. Maintenant, le client peut le brancher lui-même en cinq minutes.»

Paul-André Savoie, pour sa part, considère que son système est le prolongement naturel de sa carrière. Dans les années 90, il avait lancé Boomerang, un système de repérage des voitures volées par GPS qui avait fait fureur auprès des compagnies d'assurances. «La télématique, c'est l'avenir de l'assurance automobile», conclut l'homme d'affaires de Québec.

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Un jugement au service de la télématique

Depuis l'an dernier, les assureurs européens n'ont plus le droit d'offrir des primes moins élevées aux femmes qu'aux hommes. C'est une décision de la Cour européenne de justice, en 2011, qui a interdit le recours au sexe dans l'établissement des primes d'assurance automobile. La décision faisait suite à la plainte d'une association de consommateurs belges. Les assureurs automobiles ont fortement réagi et un rapport d'Ernst&Young a évalué que leurs profits baisseraient de 2% parce qu'ils pourraient difficilement augmenter les primes des femmes pour compenser la baisse des primes des hommes. Plusieurs voient la télématique comme la solution au problème, selon Paul-André Savoie, de Baseline Telematics. «Ce jugement a beaucoup aidé la télématique», dit-il. Ça remplace vraiment bien le sexe pour l'évaluation du risque. À mon avis, éventuellement, on pourra même se passer de l'âge.»