Les gouvernements et les banques centrales ont épuisé presque toutes leurs munitions fiscales et monétaires. La consolidation de la croissance passe par des mesures de plus long terme.

«Il faut procéder à des investissements structurels, sociaux, institutionnels et verts», préconise Angel Gurría, secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Conférencier-vedette, lundi, de la 19e Conférence de Montréal, M. Gurría a présenté ces secteurs comme les quatre piliers de la nouvelle économie mondialisée.

Il a évoqué la crise de confiance à laquelle les institutions démocratiques sont confrontées et appelé les élus à s'adresser à l'intelligence de leurs commettants pour la rétablir.

Investir dans les gens

Investir dans les infrastructures, c'est facile. En revanche, investir dans la recherche et le développement, dans l'éducation, l'innovation ou tout ce qui est structurant, c'est plus difficile, mais c'est la chose à faire, juge-t-il.

Il a signalé au passage que l'Europe avançait dans cette voie, bien qu'on n'aperçoive pas ce que donne une réparation quand les échafaudages sont encore en place.

«Il faut abandonner les idées reçues et se lancer dans le travail pénible de repenser notre société et recentrer le monde sur les gens», a-t-il dit, paraphrasant l'économiste canado-américain John Kenneth Galbraith.

À ses yeux, penser à court terme n'est plus viable. La crédibilité de la classe politique passe par sa capacité d'expliquer la nécessité de réformes qui commenceront lentement à porter leurs fruits. Ces réformes, selon les pays, sont en termes de transparence, de déréglementation, d'innovation et d'éducation.

Des réformes sociales sont essentielles avec les taux de chômage actuels dans plusieurs pays, surtout chez les jeunes à qui on ne pourra autrement garantir le même droit au bien-être qu'à nous.

Les économies devront croître de manière différente, sinon «nous entrerons en collision avec la nature», prédit-il.

Le défi du gaz et du pétrole

La mise en exploitation du gaz et du pétrole de schiste pose d'ailleurs un immense défi. Comment concilier la baisse des prix de l'énergie qu'elle engendre avec la nécessité de diminuer la production de gaz à effet de serre? Le secrétaire général de l'OCDE n'a pas la réponse, mais il doute qu'un accord mondial soit possible avant longtemps. Il juge plus simple de taxer le carburant et les autres combustibles pour stimuler les innovations qui en réduisent l'usage.

La confiance ne pourra enfin être rétablie sans réformes fiscales internationales pour s'assurer que tout le monde paye ses impôts. Aux yeux de M. Gurría, c'est jusqu'ici la plus grande avancée du G20. Pas moins de 120 juridictions ont conclu 800 accords bilatéraux pour fournir sur demande des renseignements sur les transactions bancaires d'un individu soupçonné d'évasion fiscale. On se dirige vers des échanges automatiques. «Déjà, 60 pays ont signé des accords, dont Singapour, le Luxembourg et l'Autriche», a indiqué M. Gurría.

La prochaine étape consiste à faire payer des impôts aux sociétés transnationales. Ce sera difficile parce que des lois devront être modifiées, mais l'OCDE présentera un plan en ce sens au prochain sommet du G20, en Russie, cet été.

Réforme financière

La réglementation financière a aussi fait l'objet d'un atelier ayant pour thème Composer avec l'incertitude.

Après avoir salué le travail des banquiers centraux qui ont dû mettre au point un mode d'emploi à mesure qu'ils agissaient, T. Timothy Ryan jr, directeur mondial, politique et stratégie réglementaire chez JP Morgan Chase&Co, a déploré l'ampleur et la disparité des réformes en chantier. «L'agenda du G20 était très ambitieux. Il est très difficile de synchroniser et de prioriser la réglementation à l'échelle internationale.»

Juste aux États-Unis, il y aurait une dizaine d'enjeux réglementaires menés par autant d'organismes qui se font concurrence les uns les autres, a-t-il déploré. À ses yeux, le Canada est bien placé puisque tout est supervisé par le Bureau du surintendant des institutions financières.

Néanmoins, la principale source d'incertitude n'est pas réglementaire, mais monétaire. Quand et comment la Réserve fédérale va-t-elle sevrer les marchés financiers en mettant fin à sa détente quantitative qui injecte 85 milliards par mois dans l'économie?

M. Ryan a émis des doutes sur la possibilité d'encadrer les activités des banques dites trop grosses pour faillir, comme JP Morgan Chase, parce que ce sont des institutions mondialisées. Comment et où les démanteler?

Voilà pourquoi il faut nous habituer à vivre dans l'incertitude.

La Conférence de Montréal abordera aujourd'hui l'exploitation des ressources naturelles.

Quelques citations

«Au Québec, bien des gens se plaignent du rendement de la Caisse de dépôt (fonds de retraite public). Mais s'ils le comparaient au rendement réel de leur propre compte de retraite (REER), ça atténuerait beaucoup leurs critiques.»

- Claude Lamoureux, ex-président de la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers')

«Nous ne sommes pas dans un nouveau cycle. Nous sommes montés dans un nouveau train avec un environnement concurrentiel différent.»

- Warren Jestin, premier vice-président et économiste en chef, Banque Scotia

«Notre seule source de croissance est le commerce extérieur. Nous devons déplacer des gens qui répondaient à la demande intérieure vers des secteurs axés sur les exportations. Ça exige des changements structurels.»

- Carlos da Silva Costa, gouverneur, Banque du Portugal

«La Suisse dépend terriblement de l'économie européenne. Si elle va mal, la Suisse aussi.»

- Jean-Pierre Danthine, vice-président, direction générale, Banque nationale de Suisse

«Le taux de participation au marché du travail américain est en baisse depuis la récession de 2001. Il ne faut pas s'attendre à un renversement de tendance prochain.»

- James Bullard, président de la Banque de la Réserve fédérale de St. Louis.