Le milieu du placement au Québec manque d'ambition et d'esprit entrepreneurial, déplore l'une de ses figures de proue, Jean-Guy Desjardins, président du conseil et chef de la direction de Fiera Capital.

Selon ce fondateur d'une firme qui, à son 10e anniversaire, vient de passer les 60 milliards de dollars en actifs sous gestion, le secteur de la gestion de placements au Québec n'est «pas suffisamment ambitieux, pas suffisamment visionnaire, pas suffisamment entrepreneurial».

Considérant la mouvance de ce secteur à l'échelle continentale, «ça pourrait être beaucoup plus dynamique» au Québec, et à Montréal en particulier, a commenté M. Desjardins après l'assemblée des actionnaires de Fiera, jeudi.

Durant cette assemblée d'ailleurs, après avoir résumé les récents trimestres très valorisants chez Fiera, M. Desjardins a fortement rehaussé l'objectif de croissance de la firme qu'il a fondée en 2003.

Fiera cible désormais 150 milliards en actifs sous gestion d'ici cinq ans, soit 50% de plus que l'objectif précédent. Une part significative de cette croissance - au moins 20 milliards, selon M. Desjardins - devrait provenir d'autres acquisitions, en suivi de ce qu'a fait Fiera à plusieurs reprises ces dernières années.

Le terrain de prospection privilégié: les firmes avec «quelques milliards» d'actifs sous gestion, notamment aux États-Unis dans le marché de la gestion privée pour les gens fortunés.

À cette fin, Fiera a un bureau à New York depuis un an, d'où elle sollicite aussi des mandats de gestion auprès des investisseurs institutionnels.

Selon M. Desjardins, une telle ambition de 150 milliards d'actifs sous gestion chez Fiera s'inscrit dans la consolidation qui touche le secteur nord-américain de la gestion de portefeuilles et de fonds d'investissement.

«Pour y survivre et prospérer, il faut viser de plus en plus gros, en dizaines de milliards d'actifs, et à l'échelle continentale», a indiqué le président de Fiera.

C'est dans ce contexte qu'il déplore le manque d'ambition dans le milieu de la gestion de placements au Québec, et à Montréal en particulier, où se concentrent ces activités.

«Il y a de bonnes et jeunes firmes ici qui ont un certain objectif mais dès qu'elles l'atteignent, elles se vendent. Elles ont 7, 8 ou 10 milliards d'actifs sous gestion et leurs dirigeants décident de vendre au lieu de vouloir grandir de 10 à 40 milliards», a expliqué M. Desjardins.

«Quand nous avons établi Fiera avec 5 milliards d'actifs sous gestion [en 2003 avec l'achat d'une filiale du Mouvement Desjardins], notre ambition n'était pas de monter ça à 10 milliards. Nous n'avions pas d'intérêt à nous limiter à ça. Et moi personnellement, je serais allé faire autre chose.»

En une décennie, Fiera a plus que décuplé ses actifs sous gestion à 64 milliards et ses revenus d'honoraires de gestion. Elle ambitionne maintenant de doubler encore ces montants d'ici cinq ans

En Bourse, les investisseurs «reconnaissent de plus en plus la valeur de notre modèle d'affaires», a noté M. Desjardins.

Marchés boursiers

En marge de ses ambitions avec Fiera Capital, Jean-Guy Desjardins a fait part de ses perspectives des marchés boursiers.

«Comme nous le sommes depuis un an, nous demeurons très bullish envers la Bourse et l'économie américaine», a-t-indiqué.

Pendant ce temps, la Bourse canadienne est «coincée» entre une économie nationale qui ralentit et des revenus d'énergie et de matières premières en régression.

Quant aux Bourses étrangères, le président de Fiera estime que l'Europe pourrait être enlisée en stagnation pour «au moins quatre ou cinq ans».

En Asie, cependant, il surveille attentivement les effets de la politique monétaire très expansionniste adoptée au Japon, qui mise sur une injection massive de liquidités dans l'économie.

«Ce qui se passe au Japon est d'une ampleur énorme de la part d'une banque centrale, en portion de la taille de l'économie nationale», selon M. Desjardins.

Et si cette politique continue de porter ses fruits, elle pourrait rehausser substantiellement la compétitivité du Japon sur les marchés d'exportation.

Fiera Capital en chiffres

(au 31 mars 2013)

> Actif sous gestion: 64,5 milliards (+125% en un an)

> Revenus annualisés: 98,3 millions (+45%)

> Bénéfice d'exploitation annualisé: 11,6 millions (+30%) 

> Valeur boursière: 544 millions (au 23 mai)

>Rendement total des actions: +23% (un an au 23 mai)

> Principaux actionnaires: Banque Nationale/Natcan (35%), Jean-Guy Desjardins (14%, indirect), Mouvement Desjardins (11%, indirect)

> Siège social: Montréal

> Employés: 300 (Montréal, Toronto, Calgary, Vancouver, Halifax, New York)

Sources: Fiera Capital, Bloomberg