L'une des figures les plus en vue de Wall Street, le PDG de la banque JPMorgan Chase, pourrait voir son autorité remise en cause la semaine prochaine, une conséquence de l'affaire de «la baleine de Londres» qui avait coûté des milliards à son groupe l'an dernier.

Jamie Dimon sera fixé sur son sort mardi : les actionnaires de la première banque américaine, réunis en assemblée générale à Tampa en Floride, se prononceront sur un possible retrait de sa double casquette de directeur général et de président du conseil d'administration.

Une proposition similaire avait réuni 40 % des suffrages l'an dernier. Mais c'était avant que soit connue l'ampleur réelle de l'affaire de la «baleine», surnom donné à un courtier londonien de JPMorgan en raison de ses énormes paris sur des produits financiers dérivés, qui avaient occasionné quelque 6 milliards de dollars de pertes de courtage.

Aux États-Unis, les deux postes peuvent être soit séparés, soit confiés à la même personne. Dans le cas de JPMorgan, les défenseurs de la séparation jugent que trop de pouvoirs sont concentrés dans les mains de Jamie Dimon, et qu'il faudrait un contrôle critique par un président de conseil d'administration indépendant.

Le syndicat de fonctionnaires AFSCME, dont le fonds de pension détient des titres JPMorgan, fait partie des investigateurs de la proposition. Elle a aussi reçu le soutien d'importants organismes de conseil aux actionnaires comme les cabinets ISS ou Glass Lewis.

La lettre présentant la proposition cite un rapport d'une commission d'enquête parlementaire selon lequel Jamie Dimon n'a pas informé le conseil d'administration que la banque avait franchi certaines limites de prise de risque lorsqu'il l'a appris, soit quatre mois avant la révélation de l'affaire de la baleine.

C'est «un échec grave de la gouvernance qui pourrait venir d'un manque de clarté sur son rôle», juge-t-elle.

La banque réplique que l'affaire de la baleine a été sanctionnée (le PDG a vu son bonus réduit de moitié) et que ses performances sous l'égide de Jamie Dimon ont été bien meilleures que celles de ses rivales (elle a traversé sans accroc la crise financière et même après les pertes de l'unité londonienne, elle a enregistré un bénéfice net record de 21,3 milliards de dollars en 2012).

L'intéressé veut clairement conserver ses deux postes, et aurait même laissé entendre en privé qu'il était prêt à quitter la banque s'il perdait la présidence du conseil d'administration.

À Wall Street, les opinions sont partagées.

Marty Mosby, analyste chez Guggenheim Securities, juge la mesure «contre-productive» vu le bilan de Jamie Dimon et évoque un risque de «rupture entre le conseil d'administration et la direction si on insère quelqu'un qui ne connaît pas la situation, mais est placé là pour faire la police».

Marshall Sonenshine, qui préside le conseil d'administration de la banque d'investissement Sonenshine Partners, soutient en revanche la division des deux postes. «Cinq ans après la crise financière, s'il y a une seule chose de certaine, c'est que Wall Street ne peut pas tout bien faire toute seule. Elle ne se régule pas bien toute seule et ne se gouverne pas bien toute seule», dit-il.

Le résultat du vote des actionnaires n'est pas contraignant, et JPMorgan peut donc choisir d'ignorer un vote majoritaire contre Jamie Dimon. Mais cela pourrait renforcer encore la fronde des actionnaires.

La banque pourrait aussi choisir une voie médiane, où Jamie Dimon démissionnerait du poste de directeur général, mais conserverait une influence sur les décisions stratégiques en restant président du conseil d'administration. Ainsi, souligne Marty Mosby, «on sépare les rôles, mais Jamie est toujours à la tête de la maison et peut toujours commander le navire».