La mise en cause de la banque américaine JP Morgan Chase et de grandes maisons nippones dans des affaires de délit d'initiés a défrayé la chronique à Tokyo, attirant l'attention sur des fraudes dont les coupables, lorsqu'ils sont démasqués, s'en tirent souvent à bon compte.

La célèbre banque américaine, déjà en pleine tourmente en raison des pertes colossales de son activité de courtage, a été dénoncée, selon la presse nippone, par le gendarme de la Bourse de Tokyo (SESC) comme étant à l'origine d'une fuite à propos d'une augmentation de capital de la firme Nippon Sheet Glass en 2010.

Un gestionnaire d'actif, Asuka Asset Management, aurait eu vent de la transaction avant son annonce publique et aurait vendu l'action Nippon Sheet Glass à découvert, à prix fort, avant de la racheter à prix cassé une fois l'opération ébruitée.

Asuka Asset Management aurait empoché plus de 60 millions de yens au passage (600 000 euros au taux de change actuel). La SESC a recommandé à son autorité de tutelle, l'Agence des services financiers du Japon (FSA), de lui imposer une amende de 130 000 yens (1300 euros).

«Cette punition, c'est de l'argent de poche à l'échelle des marchés», souligne Nicholas Smith, courtier chez CLSA, dans un récent rapport sur le sujet.

JPMorgan Securities Japan, l'une des branches nippones de la banque américaine, était l'une des deux maisons chargées d'organiser l'émission capitalistique, avec tout le secret que cela implique.

Elle a expliqué «n'avoir reçu aucune indication des autorités suggérant l'implication dans cette affaire de l'ensemble de l'entreprise JP Morgan ou de l'ensemble d'une de ses divisions», s'abstenant toutefois d'évoquer l'éventuelle implication d'un de ses collaborateurs.

La SESC a aussi demandé ces dernières semaines au régulateur d'infliger une amende de 80.000 yens (800 euros) à l'établissement nippon Sumitomo Mitsui Trust Bank et 50 000 yens à une filiale de cette banque, dans deux affaires similaires distinctes, pour avoir à chaque fois profité d'informations confidentielles pour spéculer.

Dans ces deux cas, l'institution chargée d'organiser l'opération sur les marchés n'était autre que le groupe financier Nomura, principale maison de courtage japonaise qui a confirmé faire l'objet d'enquêtes.

Soucieuses de protéger l'image du secteur financier de la troisième puissance économique mondiale, les autorités nippones sont montées au créneau d'autant que ces affaires interviennent quelques mois après le scandale Olympus qui, dans un registre différent, a déjà entaché la réputation des entreprises locales.

«Nous envisageons d'agir, si nécessaire, afin d'améliorer la confiance dans le marché japonais. Il est fondamental d'empêcher les délits d'initiés», a souligné le ministre délégué aux Services financiers, Shozaburo Jimi.

Le cas typique a lieu dans d'importants groupes financiers aux activités diverses lorsqu'un employé de la branche de courtage obtient une information confidentielle du secteur de la banque d'investissement puis la fournit à un client qui en tire de juteux bénéfices.

«Le courtier comme le banquier d'investissement ne tirent aucun profit direct de l'opération», explique M. Smith mais ils peuvent bénéficier de ses retombées indirectes par exemple si leur employeur fait fructifier ce service rendu à son client.

Pour autant, ni l'un ni l'autre ne sont passibles de poursuites en vertu du système juridique japonais, précise-t-il. Seule la spéculation à partir d'une information confidentielle est en effet répréhensible.

Les cas d'emprisonnement autour de délit d'initiés sont exceptionnels au Japon à l'inverse des Etats-Unis où une série d'arrestations retentissantes ont eu lieu ces dernières années, menant certains derrière les barreaux. Dans l'une des affaires les plus médiatisées, le gérant de fonds spéculatif Raj Rajaratnam a été condamné à onze ans de réclusion ainsi qu'à 150 millions de dollars d'amende et dommages et intérêts.

Le financier américain George Soros a été pour sa part définitivement débouté fin mars d'une requête déposée devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) contre la France, concernant une condamnation pour délit d'initié. Le Tribunal de grande instance de Paris l'avait initialement condamné à une amende de 2,2 millions d'euros, un montant réduit à 940 000 euros en 2007.

Le total des amendes infligées au Japon depuis cinq ans dans une bonne centaine d'affaires a atteint l'équivalent de 1,9 million d'euros.