Des actionnaires de JPMorgan Chase ont dénoncé mardi les efforts de la première banque américaine contre la réglementation financière alors qu'elle vient d'essuyer une énorme perte sur des paris risqués, mais son patron Jamie Dimon a gardé son poste et son salaire.

JPMorgan Chase «s'est engagée dans du courtage pour son propre compte sans restrictions, l'entreprise n'a pas réagi avant d'encaisser 2 milliards de dollars de pertes. Pensez-vous toujours qu'une entreprise peut se réguler elle-même en ce qui concerne le courtage pour son propre compte?» a interrogé un actionnaire lors de l'assemblée générale du groupe.

Mettant en cause les pressions de la banque auprès des pouvoirs publics pour faire échouer la loi Dodd-Frank, votée pour réglementer Wall Street après la crise financière de 2008, l'actionnaire a demandé si la direction écoutait «les nombreuses voix qui s'élèvent sur cette question».

«Vous êtes dépeint comme l'un des plus ardents lobbyistes contre les régles institutionnelles et cela représente un risque pour la réputation de l'entreprise, en particulier au vu des récentes pertes», a renchéri un autre actionnaire.

Jamie Dimon, a défendu l'attitude de l'entreprise. «Nous ne sommes pas anti-réglementation», «nous avons soutenu 70-80% de la loi Dodd-Frank», a-t-il affirmé.

«Nous avons autant intérêt que vous à faire en sorte que le système financier soit sain et solide», a-t-il ajouté, relativisant la campagne anti-réglementation de sa banque et du monde financier en général. «Il y a environ 7000 lobbyistes à Washington et peut-être 30 d'entre eux sont liés au secteur financier», a-t-il soutenu.

«Nous sommes d'accord avec l'esprit de la règle Volcker», la mesure phare de la loi Dodd-Frank, si «elle ne nuit pas aux clients des institutions financières», a insisté M. Dimon. La «règle Volcker» vise à interdire le courtage en compte propre des banques et à restreindre drastiquement leurs activités de dérivés en raison de l'opacité de ce marché de gré à gré.

C'est précisément dans l'unité de courtage en nom propre de JPMorgan Chase et sur des ventes de dérivés de crédit que la banque a essuyé son énorme perte, la plus grosse enregistrée par une banque aux États-Unis depuis la crise.

Une fois de plus depuis l'annonce jeudi de cette perte de 2 milliards de dollars qui devrait s'alourdir d'un milliard voire plus, M. Dimon a fait acte de contrition: «Cela n'aurait jamais dû avoir lieu, je ne peux pas le justifier, malheureusement ces erreurs ont été auto-infligées».

Mais M. Dimon est ressorti de l'AG sans que sa position à la tête du groupe soit remise en cause, au lendemain de l'annonce de la démission d'Ina Drew, qui détenait le poste clé de directrice du placement et était considérée comme l'une des personnalités les plus puissantes de Wall Street.

Une proposition visant à séparer les postes du président du CA et de directeur général afin de mieux contrôler la direction a reçu 40% de votes favorables, un score insuffisant pour être adoptée.

Quant au plan de rémunération prévoyant 23 millions de dollars, dont une partie en actions et en différé, pour M. Dimon, et 14 millions pour Ina Drew au titre de 2011, il a été approuvé à plus de 90%.

Le ministère de la Justice a ouvert une enquête sur l'affaire, menée par la police fédérale (FBI), ont indiqué des sources proches du dossier. La presse a indiqué que les autorités boursières cherchaient à savoir si la banque avait enfreint les lois boursières en ne dévoilant pas plus tôt ses pertes.

Barack Obama, interrogé sur la chaîne ABC, a usé de l'exemple de JPMorgan pour demander d'accélérer la mise en oeuvre de la réforme financière: «On aurait pu avoir une banque pas aussi solide (...) qui aurait fait les mêmes paris et nous aurions peut-être dû intervenir. C'est pour cela que la réforme de Wall Street est importante».

Ironie de l'histoire, la Maison-Blanche a révélé que le président avait un compte chez JPMorgan crédité d'au moins 500 000 dollars.

Photo: AFP

Des personnes ont manifesté mardi à l'extérieur d'un complexe à Tampa, en Floride, où avait lieu la réunion annuelle des actionnaires de JP Morgan Chase & Co.