La perte de 2 milliards de dollars causée par des paris risqués qui ont mal tourné chez JPMorgan Chase, première banque américaine, ravive le débat sur la sécurité du système financier mondial et ternit le bilan, jusqu'alors impeccable, de son PDG Jamie Dimon.

Le patron de JPMorgan, l'un des plus ardents pourfendeurs d'une réglementation accrue, doit aujourd'hui manger son chapeau alors que sa banque est à l'origine de la perte de courtage la plus grosse encaissée par une banque sur les marchés depuis la crise financière de 2008.

«C'est une énorme humiliation», constate Erik Oja, analyste de Standard and Poor's, interrogé par l'AFP.

JPMorgan Chase était considérée comme l'une des banques les mieux gérées des États-Unis, notamment grâce à sa gestion de la crise de 2008. Elle est même devenue la première banque du pays en termes d'actifs l'an dernier, supplantant Bank of America.

La loi de réforme financière Dodd-Frank, dont plusieurs dispositions ont été retardées, reçoit ainsi un coup de pouce paradoxal de la banque qui a mis le plus d'énergie à la combattre.

La coûteuse bévue de JPMorgan provient ironiquement du coeur de la réforme, la règle de Volker, qui prévoit d'interdire aux banques de faire du courtage en propre, et aussi de limiter drastiquement leurs activités dans les produits dérivés en raison de l'opacité de ce marché. Cette «règle» est l'une des dispositions de la loi Dodd-Frank les plus critiquées par les banques, qui ont jusqu'ici obtenu son report.

Les législateurs ont aussitôt fustigé la perte de JPMorgan. Pour Barney Frank, l'un des architectes de la loi de 2010, «l'argument selon lequel les institutions financières n'ont pas besoin de nouvelles règles pour éviter des actions irresponsables commes celles qui ont mené à la crise de 2008 est aujourd'hui 2 milliards de dollars plus difficile à croire».

Les marchés digéraient le choc de cette annonce: «C'est encore un autre exemple du fait que les énormes paris spéculatifs faits avec l'argent des actionnaires semble un problème comportemental génétique pour les traders des grandes banques, qui se prennent pour les 'Maîtres de l'Univers'», a commenté la maison de courtage Miller Tabak.

«Financièrement, l'impact est très gérable, la banque ne va pas avoir de perte au deuxième trimestre sur l'ensemble de ses résultats, mais la réputation de la banque va en pâtir et cela va probablement mener à une rédaction plus stricte de la réglementation issue de la règle de Volcker», remarque Erik Oka.

«J'imagine qu'elle va être étendue aux activités de courtage qui s'apparentent en fait à du courtage en propre», comme ce fut le cas chez JPMorgan.

Ces achats de dérivés de crédit qui étaient censés aider la banque à compenser sa forte exposition aux crédits «ressemblent en fait à des des positions exotiques qui ont mal tourné. Au lieu de limiter la volatilité, cela l'a empirée», ajoute M. Oja.

Les analystes mesuraient aussi l'impact de l'aveu par la banque qu'elle n'a vraiment pris la mesure du risque trop élevé dans ces paris sur les dérivés de crédit, qu'à la suite d'un article paru début avril dans le Wall Street Journal.

Il décrivait l'étonnement des traders de la place de Londres devant les position massives prises dans les dérivés de crédit par un trader français, Bruno Michel Iksil, surnommé «la baleine de Londres».

«Cela suggère que JPMorgan ne comprend pas la gestion du risque comme elle le devrait», constate l'analyste Dick Bove, de Rochdale Securities.

«Quand vous êtes censé être la banque la mieux gérée du pays et qu'un problème comme cela est révélé, cela soulève une question: y a-t-il quelqu'un qui soit capable de gérer une banque de cette taille?»

«Tout cela va orienter les projecteurs vers Citibank et Bank of America, qui vont probablement devoir dévoiler plus d'informations sur ce qu'elles font» sur les marchés, estime Erik Oja.