Malgré son rejet en Cour suprême, le projet fédéral d'une commission unique de valeurs mobilières continue d'intéresser les hautes sphères du secteur bancaire au Canada, qui tentent de le relancer.

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Mais après un long silence, la principale banque sous contrôle québécois, la Banque Nationale, a décidé de déclarer son opposition à ce projet et aux discussions de relance menées par l'Association des banquiers canadiens (ABC).

Ces discussions avaient été mentionnées par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, au cours de son exposé budgétaire de la semaine dernière.

Interpellé à ce sujet à l'assemblée des actionnaires de la Banque Nationale, hier à Montréal, le président et chef de la direction, Louis Vachon, a confirmé que la banque ferait désormais bande à part. Et comme l'ABC est un lobby financier très influent à Ottawa, la Banque Nationale a dû inscrire sa dissidence de façon officielle auprès du registre fédéral des lobbyistes.

«La Cour suprême a rendu sa décision. Nous en avons pris acte et nous la supportons. Nous allons désormais nous opposer à toute tentative d'ingérence (fédérale) au niveau des valeurs mobilières. C'est ce que nous avons signifié clairement à l'ABC», a expliqué Louis Vachon devant les actionnaires, qui l'ont applaudi.

Quant au silence antérieur de la Nationale, surtout l'an dernier au moment où ce débat était vif dans le milieu financier au Québec, Louis Vachon l'a justifié avec le contexte «très politisé» qui prévalait alors que le gouvernement québécois menait l'opposition au projet fédéral.

«Nous sommes restés très discrets parce que, disons-le, nous étions dans une position difficile. Alors que le débat était devant la Cour suprême, nous avions d'un côté nos régulateurs fédéraux (des banques) qui étaient pour. De l'autre côté, il y avait le gouvernement du Québec qui est l'un de nos plus vieux clients et qui supervise nos licences en matière de valeurs mobilières», a admis M. Vachon.

«Dans un contexte aussi politisé, nous avons décidé d'être discrets publiquement même si, en privé, nous ne l'étions pas du tout. Nous avons donné notre point de vue aux deux parties.»

À cet égard, le président de la Nationale a précisé, au cours d'un entretien avec La Presse Affaires, que son opposition au projet fédéral de commission unique ne signifiait pas que le système actuel de régulateurs provinciaux soit sans faille.

«Le système canadien n'est pas parfait. Entre autres, il y a encore une faiblesse de coordination entre les provinces ce qui concerne la conformité de certains intervenants financiers, a indiqué M. Vachon.

«Le danger qui préoccupe encore notre secteur, c'est qu'on se retrouve avec un «Norbourg» ou un «Earl Jones» qui s'étendrait d'un océan à l'autre, au lieu d'être limité à une province.»

Cela dit, a-t-il poursuivi, «est-ce nécessaire d'avoir une commission unique pour contrer un tel problème? La réponse est non. Après la décision de la Cour suprême, c'est aux grandes provinces de s'asseoir ensemble et de mieux coordonner leur réglementation».

Rémunération

Par ailleurs, la rémunération des dirigeants de la Banque Nationale a encore fait l'objet de vives discussions hier, à l'assemblée des actionnaires.

Des membres du groupe d'actionnaires militants Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) ont monopolisé les micros pour critiquer les 8,4 millions de dollars versés en salaire et en primes au président Louis Vachon, qu'ils ont qualifiés «d'exorbitants».

La compensation totale de M. Vachon en 2011 était en progression de 47% par rapport aux 5,7 millions qu'il avait obtenus un an plus tôt.

Le président du conseil d'administration de la Nationale, Jean Douville, a rétorqué que la majorité des actionnaires sont en accord avec cette rémunération, qui selon lui reflète «la réalité dans laquelle nous vivons».

Le vote consultatif tenu au cours de l'assemblée sur la «politique de rémunération de la haute direction» a d'ailleurs obtenu un appui positif à 94,5% parmi les actionnaires de la Banque.

À l'opposé, les propositions à ce sujet soumises par le MEDAC ont été rejetées par plus de 92% des votes des actionnaires.