Les taux d'intérêt étaient déjà au plancher. Et voilà que les grandes banques canadiennes ont déclenché une guerre de taux hypothécaires. En surveillant les récentes «offres spéciales», les propriétaires peuvent dénicher un taux inférieur à 3% pour un terme de cinq ans, et même un taux inférieur à 4% pour un terme de 10 ans. Du jamais vu.

Voyant les signes d'un ralentissement de la croissance du marché hypothécaire en 2012, les banques veulent s'assurer de faire le plein de clientèle. «Les banques n'ont pas changé leur taux affiché, mais elles sont devenues très agressives avec leur promotion», constate Mathieu D'Anjou, économiste principal chez Desjardins Études économiques.

Jeudi dernier, la Banque de Montréal a réduit de 0,5% son taux pour une hypothèque fermée de cinq ans, l'établissant à 2,99%. Il s'agit du taux le plus faible jamais consenti par la Banque (dont les archives remontent à 1980).

Depuis une semaine, la Banque CIBC et la Banque Royale ont annoncé des offres spéciales, notamment un taux promotionnel de 2,99% pour une hypothèque de quatre ans. La Banque TD propose aussi un taux de 3,79% sur six ans.

Ces offres visent surtout le marché du refinancement plutôt que celui des nouveaux acheteurs, selon Denis Doucet, directeur régional du courtier hypothécaire Multi-Prêts. En effet, la plupart des promotions se terminent à la fin de février, et les acheteurs doivent boucler leur transaction dans les trois mois. Impossible de geler le taux jusqu'en juillet.

De son côté, la banque virtuelle ING Direct affiche des taux de 3,99% pour des échéances de 7 et 10 ans. Et certains courtiers hypothécaires comme Multi-Prêts, Intelligence Hypothécaire ou Hypothéca peuvent offrir les mêmes prêts à 3,89%, car ils accordent un rabais de taux à leurs clients en rognant sur la commission que leur verse le prêteur.

«C'est vraiment exceptionnel. Habituellement, les taux sur sept ans et plus sont peu concurrentiels au Canada. Les emprunteurs doivent payer un taux beaucoup plus élevé pour être rassurés à très long terme», dit M. D'Anjou.

Si les banques peuvent offrir des taux hypothécaires aussi faibles, c'est que les taux des obligations du gouvernement du Canada sont à un creux. Avec la tourmente en Europe et la fuite vers les valeurs sûres, le taux des obligations de 10 ans est tombé à un creux historique de 1,84% à la mi-décembre, et il demeure à 1,92% présentement.

Cela réduit les coûts d'emprunt des prêteurs et leur permet d'abaisser les taux hypothécaires.

Fixe ou variable?

Les taux fixes gagnent en popularité depuis le milieu de 2011. Il faut dire que l'écart est de plus en plus mince entre le taux variable (2,75%) et le taux sur cinq ans (3%). «C'est sûr qu'avec un écart de 0,25%, ça devient difficile de justifier le choix d'un taux variable, estime M. D'Anjou. Le taux fixe est très attrayant sur le plan financier... et pour la paix d'esprit.»

Au Canada, environ 60% des propriétaires ont une hypothèque à taux fixe, tandis que 31% ont un taux variable et 8% ont une combinaison des deux, selon l'Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités.

Si le choix d'un taux variable a été plus payant par le passé, il n'en sera peut-être pas de même au cours des prochaines années. «Comme les taux sont à des creux historiques, on veut encourager nos clients à opter pour du long terme, afin de prévenir les chocs en cas de remontée des taux d'intérêt», dit Martin Beaudry, vice-président, crédit aux particuliers, chez ING Direct.

On sait que les Canadiens sont de plus en plus endettés, en grande partie à cause de leur hypothèque, ce qui les rend d'autant plus vulnérables à une éventuelle remontée des taux. En fait, leur taux d'endettement atteint un niveau historique de 153%, ce qui signifie qu'un ménage ayant des revenus disponibles de 100 000$ a des dettes de 153 000$.

Mais avant de fixer son choix sur une hypothèque à long terme, les emprunteurs doivent être conscients de leurs contraintes, surtout pour les hypothèques à taux promotionnels.

Certaines vont limiter les remboursements anticipés (ex: seulement 10% du montant initial par année, au lieu de 20% ou plus). D'autres imposent une période d'amortissement plus courte (ex: 25 ans alors que le maximum est de 30 ans).

«On vit dans un monde ou tout est plus précaire: l'emploi, la maison, la vie de couple, ajoute M. Doucet. Si on opte pour du long terme, il faut s'assurer que l'hypothèque est transférable. Sinon, on risque de se faire ramasser par les pénalités si on doit y mettre fin avant terme.»