C'est une des rares entreprises qui n'est pas dans le secteur des ressources à avoir inscrit ses actions à la Bourse en 2011. Services financiers Élément n'est pas un nom très connu mais ses dirigeants le sont, dans le secteur très spécialisé du crédit-bail.

«Notre objectif est de combler le vide qui s'est créé depuis la crise financière de 2008 dans le secteur du prêt spécialisé», explique Pierre Lortie, ex-président de la Bourse de Montréal, ex-dirigeant de Bombardier et un des noms les plus connus dans l'entreprise.

Services financiers Élément est le nouveau tremplin de Steve Hudson, qui a été à la tête de Newcourt Credit Group pendant 14 ans avant de vendre son entreprise de financement d'équipement à CIT Group en 1999. Revenu récemment à ses anciennes amours, Steve Hudson a regroupé autour de lui une équipe qui, selon les mots de Pierre Lortie, «a déjà vu neiger».

Une retraite paisible?

Ensemble, ils ont réussi en peu de temps à réunir du financement privé et public, à faire l'acquisition d'un des rares joueurs encore actifs dans le secteur, Alter Moneta, et à inscrire l'entreprise à la Bourse au moyen d'une prise de contrôle inversée.

Comme administrateur de Services financiers Élément, Pierre Lortie a participé à toutes ces opérations. Il pourrait profiter d'une retraite paisible, mais non. «À la retraite, ce qui est beau, c'est qu'on fait ce qu'on aime», dit-il en souriant lors d'une entrevue avec La Presse Affaires.

Pierre Lortie connaît bien Steve Hudson et le métier pour l'avoir exercé lui-même chez Bombardier Capital. Il estime que le «timing» est excellent pour relancer les activités de crédit-bail à l'échelle nord-américaine.

«Les principaux joueurs sont sortis du marché lors de la crise financière de 2008, explique-t-il. Les plus gros ont délaissé le crédit-bail pour se concentrer sur leurs activités principales tandis que les plus petits ont perdu leur accès au financement».

C'est précisément ce qui est arrivé à Alter Moneta, une entreprise créée par la Caisse de dépôt et la Banque Nationale et vendue ensuite à Bear Stearns. Quand la banque américaine a fait faillite en 2008, Alter Moneta a vu ses sources de financement se tarir. Son actif de 2 milliards avait fondu à moins de 200 millions quand Élément en a fait l'acquisition, en 2011.

Avec la plateforme d'Alter Moneta, Élément vise le marché de l'Amérique du Nord, «avec un accent important sur le Québec», dit Pierre Lortie. L'équipe d'une centaine de personnes assurera une présence partout, avec deux principales places d'affaires, à Toronto et Montréal.

Selon lui, la demande de crédit-bail est aussi importante au Québec qu'en Ontario, bien que l'économie québécoise soit plus petite. Ça tient, en partie à la sous-capitalisation chronique des entreprises québécoises, explique-t-il.

À l'inverse des banques, qui prêtent en fonction du bilan des entreprises, les firmes de crédit-bail prêtent sur l'équipement, qui sert de garantie. Les clients de Services financiers Élément sont actuellement des transporteurs, qui ont des flottes de camions, des clubs de golf, qui ont des parcs de voiturettes, ou des cabinets de médecins et des cliniques, qui investissement dans de l'équipement spécialisé.

À moyen terme, l'entreprise veut mettre le pied dans des marchés plus complexes, comme celui des avions d'affaires. «Un camion se finance sur cinq ans et un avion sur quinze ans, illustre-t-il. Un camion coûte 50 000$ et un avion, 20 millions».

Le marché de l'aviation commerciale n'est pas dans la ligne de mire d'Élément. «On ne l'exclut pas, mais on n'est pas assez gros, précise l'administrateur. Dans ce marché-là, il faut avoir au moins 25 à 30 milliards d'actif».

Le portefeuille de Services financiers Élément est actuellement de 250 millions. L'analyste Stephen Boland, de la firme torontoise GMP Securities, estime que l'entreprise peut faire croître ce portefeuille jusqu'à 400 millions en 2012 et 600 millions en 2013.

Selon M. Lortie, la croissance viendra de l'interne et des acquisitions. «Aux États-Unis surtout, les banques qui veulent se recapitaliser devront se concentrer sur leurs activités principales. Si elles sont prises avec le bébé, on est prêts à l'adopter.»