Alors que les banques appréhendent l'impact d'un ralentissement économique sur leurs prochains résultats, il reste un créneau où le potentiel de croissance ne les inquiète pas.

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Il s'agit des activités de «banque privée» pour la clientèle fortunée, c'est-à-dire les particuliers ou les ménages à revenus élevés et qui ont aussi plus de 1 million de dollars en actifs investis, en excluant leur résidence.

Après deux ans de stagnation avec la crise financière de 2008, ce marché des «millionnaires» a renoué avec la croissance, constatent les banques.

Au point d'y investir beaucoup en embauche d'employés spécialisés et en aménagement de «bureaux d'affaires» - on ne dit pas succursales dans ce marché! - afin d'attirer et de conserver une clientèle aisée qui est aussi courtisée par les concurrents.

«Les clients fortunés comptent pour 2% de la clientèle des banques mais pour les deux tiers (66%) des actifs des particuliers. Cette proportion devrait grimper aux trois quarts (75%) des actifs au cours des prochaines années», indique Éric Bujold, premier vice-président et co-chef de la direction de Gestion privée 1859 à la Banque Nationale.

«Le nombre de ménages fortunés au Canada est en croissance soutenue. Il doublera au-delà d'un million d'ici la fin de la décennie et environ 20% sont au Québec. C'est un marché attrayant mais aussi très concurrentiel», souligne Yannick Archambault, vice-président et directeur pour le Québec de BMO Banque privée Harris à la Banque de Montréal.

D'où provient cette croissance de la clientèle aisée?

«Un peu plus du tiers de notre clientèle (70%) est constituée d'entrepreneurs et de familles d'affaires. Or, il y a un important transfert de génération qui s'effectue dans ce milieu», résume Johanne Ardouin, vice-présidente pour le Québec de RBC Gestion privée à la Banque Royale.

À l'instar de ses concurrents, Mme Ardouin explique que ce «transfert générationnel» s'effectue dans deux directions principales.

D'une part, un nombre croissant d'entrepreneurs à succès rendus en fin de carrière ont besoin d'assistance pour bien effectuer le transfert à leur relève d'actifs d'affaires qui valent souvent quelques millions de dollars.

D'autre part, des entrepreneurs aussi en fin de carrière mais dépourvus de relève veulent vendre leurs actifs d'affaires de la meilleure façon possible, tout en préparant la bonne gestion fiscale et successorale d'un tel encaissement de capital.

Par ailleurs, ajoute Johanne Ardouin, les 30% restants de la clientèle cible de banque privée est constituée de hauts dirigeants d'entreprises et de professionnels à succès. «De plus en plus de professionnels de la santé s'incorporent en société d'affaires, comme ça se fait parmi les avocats.»

Comme ses concurrents, RBC Gestion privée investit en personnel et en bureaux pour consolider sa «bonne croissance» au Québec.

Elle prépare l'ouverture l'an prochain de bureaux d'affaires qui seront adjacents à la future succursale régionale de RBC sur la Rive-Sud: un projet d'ensemble de 10 millions de dollars dans le quartier commercial DIX-30.

Ces bureaux à Brossard remplaceront ceux de Longueuil, devenus insuffisants. RBC Gestion privée a son quartier général québécois dans la Place Ville-Marie, au centre-ville, ainsi que des bureaux à Laval et à Québec. Elle regroupe une centaine d'employés, dont 24 «banquiers privés», bientôt 25, 3 de plus qu'il y a un an.

À la Banque de Montréal, c'est toute la direction québécoise de BMO Banque privée Harris qui changera d'immeuble au centre-ville.

Le but? Regrouper dans des locaux agrandis et de plus haute qualité le noyau central d'un effectif qui a doublé - de 50 à 110 - en quelques années.

De plus, confirme Yannick Archambault, on envisage l'implantation de bureaux d'affaires à Laval et sur la Rive-Sud. Ils s'ajouteraient à ceux de Québec et de Montréal.

Chez la Banque Nationale, la filiale Gestion privée 1859 pour les clients fortunés a pu s'appuyer sur un important réseau de bureaux d'affaires et de succursales pour croître rapidement depuis son lancement, il y a trois ans.

Cette filiale, baptisée selon une date historique pour la Nationale, regroupe maintenant 225 employés: des conseillers spécialisés et leurs assistants. C'est quatre fois plus qu'à l'origine en 2008.

Auparavant, la Nationale offrait des services spéciaux aux clients fortunés qui provenaient surtout de son importante clientèle d'entrepreneurs.

C'est pour mieux gérer le cycle de transferts d'actifs dans ce milieu que Gestion privée 1859 a été constituée il y a trois ans.

Gestion du patrimoine

«Nous sommes les meneurs parmi les entrepreneurs au Québec. Nous investissons dans nos services de banque privée pour renforcer notre leadership et contrer la concurrence qui veut s'approcher», souligne Éric Bujold.

Quel est le rendement de ces investissements pour la Nationale?

«Nous investissons plus pour cette clientèle aisée. Mais ça produit aussi une bonne rentabilité pour la banque», dit-il tout au plus.

Chose certaine, la «gestion de patrimoine» est en plein essor à la Nationale.

Selon ses plus récents résultats, publiés il y a une semaine, le bénéfice (avant impôt) dans ce secteur a augmenté de 33% au cours de l'exercice 2011. Il s'agissait d'un gain plus que deux fois supérieur à celui des revenus sectoriels.

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LES PÔLES DE MÉNAGES AISÉS

Localité / % des ménages qui sont aisés

Hampstead / 35 %

Westmount / 34%

Mont-Royal / 26%

Côte-Saint-Luc / 23%

Beaconsfield / 19%

Outremont / 18%

Montréal-Ouest / 17%

Saint-Lambert / 16%

Pointe-Claire / 13%

Lorraine / 12%

Source: BMO Banque privée Harris, Investor Economics