Le dépôt de bilan de MF Global marque l'échec de la stratégie de son patron Jon Corzine, un ancien dirigeant star de Goldman Sachs qui voulait transformer le courtier en une véritable banque d'investissement, quitte à se lancer dans des paris risqués sur les marchés.

M. Corzine, 64 ans, également gouverneur démocrate de l'État du New Jersey entre 2006 à 2010, avait été nommé à la tête de la société en mars 2010. Sous son égide, cette ancienne filiale du britannique Man Group s'est diversifiée, se rapprochant d'une véritable banque d'investissement.

MF Global «a renforcé les activités de courtage en nom propre, qui ne marchent pas bien, comme on le sait, en raison des actifs liés à la zone euro, mais aussi à l'énergie ou aux taux d'intérêt. La situation ne pourrait pas être pire», confiait la semaine dernière à l'AFP un ancien cadre du groupe sous couvert d'anonymat.

«Cela fait seulement un an que cela dure. Avant, on s'occupait juste de gérer les positions des clients, il y avait bien moins de risque», a-t-il poursuivi.

Autrement dit, alors que MF Global permettait à ses clients d'investir sur les marchés, essentiellement dans les matières premières, les obligations d'État ou les monnaies, le courtier s'est mis à spéculer avec ses propres fonds. Quitte à prendre des paris risqués, en investissant notamment plus de six milliards de dollars dans la dette européenne, dont plus de la moitié dans celle de l'Italie, actuellement dans la ligne de mire des marchés.

Avant de faire paniquer ses actionnaires et de faire fuir ses clients, cette position avait inquiété les régulateurs financiers américains, l'un d'entre eux, la Finra, demandant à la maison de courtage d'augmenter ses fonds propres au mois d'août.

Les agences de notation avaient également vu rouge, critiquant publiquement la stratégie du groupe. Moody's s'était dite «inquiète de la capacité de la direction à équilibrer le risque avec prudence».

Le dépôt de bilan de MF Global, incapable de trouver un sauveteur de dernière minute pour racheter ses activités, sonne donc comme une défaite personnelle pour Jon Corzine, une star de la finance new-yorkaise.

Cet ancien courtier spécialisé dans le marché obligataire a gravi toutes les marches de la banque d'affaires Goldman Sachs, jusqu'à diriger l'établissement financier le plus prestigieux de Wall Street de 1994 à 1999. Il a transformé le groupe, alors une très discrète firme financière, en une société cotée aux importants profits.

Lors de sa nomination à la tête de MF Global, la société avait souligné qu'il avait dirigé Goldman Sachs «durant l'une de ses périodes les plus difficiles en 1994» et qu'il avait «rapidement ramené la société à la rentabilité et rétabli sa réputation».

«C'est toujours décevant de voir une telle explosion en vol», commente Mace Blicksilver, qui dirige le gestionnaire d'actifs Marblehead Asset Management et travaille dans le secteur financier depuis 30 ans. «Il semble que l'achat de ces titres de dette relevait de son choix direct».

«C'est un courtier de génie, mais cela s'explique en partie par le fait qu'il franchissait tous les jours les portes de Goldman Sachs. On se demande à quel point sa réputation était liée à l'entreprise à laquelle il était attaché et non à ses propres compétences», poursuit le financier.

«Dans ma carrière, j'ai vu beaucoup d'excellents courtiers à Goldman qui une fois laissés livrés à eux-mêmes devenaient très mauvais, parce qu'ils pensaient qu'ils étaient très bons. Mais dans le cadre de Goldman Sachs, c'est l'organisation qui est bonne et vous rend bon», constate-t-il.