Pourtant à l'abri des pertes sur les dettes souveraines de la zone euro, les banques canadiennes ont perdu de 15% à 25% de leur valorisation boursière depuis le mois de mai. La Banque Royale a été la plus durement touchée, son titre passant de 61$ à 46$ durant cette période.

Y a-t-il là une occasion d'accumuler ces titres qui payent des dividendes alléchants de 4,4% en moyenne, le double du rendement des obligations de 10 ans du gouvernement? D'autant plus que les derniers résultats trimestriels publiés le mois dernier avaient été excellents.

La réponse à cette question dépend de l'horizon de temps, résume Peter Routledge, analyste à la Financière Banque Nationale. Acheter les banques canadiennes à un moment donné au cours des six prochains mois fera de vous un investisseur heureux dans deux ou trois ans, selon lui. Mais à court terme, nous n'avons probablement pas encore vu le creux, prévient-il.

La crise des dettes souveraines qui a refait surface en Europe a affecté les banques partout dans le monde. Au cours des six derniers mois, les cours boursiers des grandes banques européennes ont reculé en moyenne de 47%. Ceux des quatre plus grandes banques américaines (Bank of America, Citigroup, JP Morgan et Wells Fargo) de 36%. La valorisation boursière des grandes banques européennes ne représente plus que la moitié de leur valeur comptable. Et les quatre grandes américaines ne font guère mieux à six fois la valeur comptable. Partout, on doute de la valeur réelle des actifs des banques.

L'incertitude provient pour beaucoup du fait qu'il est difficile de prévoir comment les politiciens européens réagiront à ce nouveau stress. Cette situation où les difficultés budgétaires de certains pays menacent la stabilité de toute la zone euro est relativement nouvelle. Les dirigeants politiques ont de la difficulté à établir un consensus quant à la façon de régler les problèmes. «Jusqu'à maintenant, ils ont réagi beaucoup plus lentement que les marchés», dit Peter Routledge.

La croissance économique s'arrête

Les banques canadiennes sont peu menacées par les prêts souverains européens, car leur exposition est faible. Ces prêts ne totalisent que 14,7 milliards de dollars comparativement à des actifs de plus de 2000 milliards. Leur valorisation des banques canadiennes est d'ailleurs nettement plus élevée que celle des banques américaines et européenes, soit 1,8 fois la valeur comptable.

Mais ce qui soulève des doutes, ce sont les perspectives économiques. Les bons résultats du dernier trimestre risquent fort de ne pas se reproduire au cours des deux ou trois prochains trimestres, craint Peter Routledge, analyste à la Financière Banque Nationale. L'économie canadienne semble avoir frappé un mur au deuxième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) reculant de 0,4%.

Alors que, pour l'exercice financier 2011 qui se terminera le 31 octobre, les bénéfices des six grandes banques canadiennes augmenteront de plus de 12%, estime M. Routledge, les résultats de l'exercice 2012 seront fort différents. Il prévoit que le taux de croissance des bénéfices sera réduit de moitié. «Et à condition que l'on ne replonge pas en récession», ajoute-il.

Il est difficile de prédire où se situe le creux des actions des banques, avoue Carole Berthiaume, gestionnaire de portefeuilles principal chez Fiera Sceptre. Stratégiquement, elle préfère conserver une légère surpondération du secteur dans ses portefeuilles. Une solide capitalisation et une large base de dépôts limitent le risque des banques canadiennes.

L'économie demeure toutefois un gros point d'interrogation, croit-elle également. «À court terme, les actions des banques peuvent aller plus bas» dit-elle. Mais à plus long terme, une augmentation des dividendes saura raviver l'intérêt des investisseurs.