La fusion prochaine des deux des plus gros assureurs en dommages au Québec, Intact et Axa Canada, fait jaser dans le milieu des courtiers, où l'on appréhende une «réduction de la variété de l'offre» dans le marché.

> Suivez Martin Vallières sur Twitter

«Ce sont deux meneurs du marché qui fusionneront. Ça risque d'être compliqué chez les courtiers qui avaient déjà un choix limité de fournisseurs de polices d'assurance», a indiqué Stéphan Bernatchez, président du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance au Québec (RCCAQ).

Cette organisation regroupe quelque 700 membres qui effectuent les deux tiers des ventes d'assurance de biens par courtiers au Québec.

Selon M. Bernatchez, qui est aussi coassocié du courtier Deslauriers&Associés à Boucherville et Laval, l'ampleur des parts de marché d'Intact et d'Axa qui seront regroupés pourrait réduire la concurrence dans le marché québécois.

Toutefois, s'il s'avère, cet effet serait limité et temporaire.

«Avec Axa, Intact se retrouvera avec des parts de marché encore plus importantes. Toutefois, nous avons déjà vécu d'autres acquisitions avec Intact. Et encore une fois, nous nous attendons à ce qu'elle fasse tout pour garder la clientèle d'Axa et maintenir de bonnes relations avec les courtiers», a indiqué Stephan Bernatchez.

N'empêche. On sourcille parmi les courtiers face à l'ampleur des parts de marché au Québec qui seront regroupées chez Intact avec l'achat d'Axa Canada, annoncé mardi pour 2,6 milliards CAN.

En fait, Intact doublera presque ses parts de marché autour de 25% dans l'assurance automobile et des biens d'entreprises, élargissant aussi l'écart avec son principal concurrent: Desjardins assurances générales.

Dans l'assurance des biens de particuliers, en habitation surtout, Intact se hissera en première place avec 26% des parts de marché, devançant Desjardins qui cote à 21%.

Quant aux revenus de primes directes, l'intégration d'Axa Canada chez Intact créera une entité qui pèsera au moins 1,5 milliard par année, au Québec seulement. Ce montant sera deux fois plus élevé que les 719 millions attribués à Desjardins pour son troisième rang actuel en assurances dommages, selon les données compilées par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Soit dit en passant, à l'AMF, on indique vouloir porter une attention particulière à la conformité réglementaire du transfert des activités d'Axa Canada chez Intact.

D'autant plus que cette filiale canadienne du géant français Axa est établie à Montréal, alors que le siège social d'Intact est établi à Toronto, relevant plus directement des autorités ontariennes.

Du côté du Bureau fédéral de la politique de concurrence, on indique pour le moment que «nous avons le pouvoir d'examiner toute fusion d'entreprise si nous soupçonnons un risque pour le niveau de concurrence dans le marché».

Parmi les courtiers, on ne s'attend pas à un impact suffisant dans le marché de l'assurance dommages au Québec pour justifier une telle intervention réglementaire.

«Il y aura sans doute des courtiers qui devront diversifier davantage leurs fournisseurs en polices d'assurance, afin de satisfaire leurs obligations de faire des offres concurrentielles à leur client», a indiqué M. Bernatchez, du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance.

En contrepartie, il s'attend à ce que les autres assureurs présents dans le marché québécois, même de taille très inférieure à Intact et Axa, tentent de profiter de ce contexte de fusion majeure pour se faire valoir davantage auprès des courtiers et de leurs clients.

Ce regain d'ambition parmi les concurrents d'Intact et Axa Canada pourrait aussi se manifester dans les deux grands marchés de vente de polices d'assurance: les cabinets de courtiers et la distribution directe par les assureurs.

Pour le moment, Intact peut vendre des deux façons: par un réseau de 1800 courtiers au Canada et par sa division BÉLAIRdirect, au Québec surtout.

Chez Axa Canada, la vente de polices d'assurance est réalisée par l'entremise de 1400 courtiers au Canada ainsi que 2700 représentants affiliés.

En comparaison, leur principal concurrent au Québec, Desjardins Assurances Générales, fonctionne surtout en vente directe aux particuliers, par l'entremise de son vaste réseau de caisses populaires.

Ailleurs au Canada, Desjardins mise davantage sur la vente par courtiers, comme en témoigne son achat récent de Western Financial, importante firme de courtage d'assurance en Alberta.