Remettre une lettre de démission pour que l'employeur bonifie vos conditions afin de vous garder est une tactique risquée. En plus de «perdre» son emploi dans ces circonstances en 2005, l'ex-président de Valeurs mobilières Desjardins, Jean-Pierre De Montigny, vient de perdre son procès pour congédiement déguisé.

M. De Montigny, qui réclamait 3 millions de dollars à Valeurs mobilières Desjardins (VMD), n'aura pas un sou. Le juge Paul Mayer, de la Cour supérieure, a conclu que M. De Montigny avait bel et bien démissionné en 2005, et qu'il ne s'agissait pas d'un congédiement déguisé comme il le prétendait.

M. De Montigny avait 45 ans et présentait un parcours impressionnant quand il a été embauché en 2001, comme président et chef d'exploitation de VMD. Il obtenait un salaire de base de 324 000$ par année, auquel venaient se greffer d'autres gratifications. Dans les années suivantes, M. De Montigny a mis en place un ambitieux plan de croissance, qui a permis de doubler le chiffre d'affaires (en trois ans), d'augmenter les parts de marché au Québec, et aussi de s'implanter en Ontario un projet qui allait toutefois apporter son lot de problèmes. Mais bref, il considérait avoir atteint et même dépassé tous les objectifs. Ses revenus d'emploi, de l'année 2002 à 2004, étaient passés de 557 779$ à 607 475$. Il avait accumulé 526 454$ dans une cagnotte BIGI (boni incitatif de gestion intégrée), un régime d'intéressement à long terme mis sur pied pour les hauts dirigeants.

Mais voilà, en 2004, un rapport signalait que M. De Montigny était surpayé, alors que ce dernier se considérait plutôt sous-payé, au regard de la loi du marché. Parmi les présidents de filiales de valeurs mobilières des six grandes banques canadiennes, presque personne ne faisait moins que quelques millions annuellement, disait-il. Même les dirigeants de petits courtiers obtenaient une meilleure rémunération que lui.

Doléances

En janvier 2005, M. De Montigny a fait une liste de ses doléances. Des pourparlers ont eu lieu, sans résultat tangible. Le 14 mars, il a remis une lettre à Alban D'Amours, alors président et chef de la direction de Desjardins. Cette lettre, qui visait à mettre de la pression pour accélérer les choses, stipulait: «Monsieur D'Amours, je désire vous informer que je terminerai mon emploi comme président de Valeurs mobilières Desjardins le 6 mai 2005.»

M. D'Amours a refusé la démission, mais devant l'insistance de M. De Montigny, il a gardé la lettre.

Parallèlement, Valeurs mobilières Desjardins se voyait condamnée à payer une amende de près de 2 millions, par le Service de réglementation du marché, pour des problèmes de conformité. Cela incluait une amende de 300 000$ adressée à M. De Montigny lui-même. Il est à noter qu'un vérificateur de Desjardins avait d'ailleurs préalablement relevé le type de transactions «cow-boy» qui sévissait à la succursale de Toronto, où on privilégiait la philosophie «vente, vente, vente», plutôt qu'une préférence pour les placements.

Quoi qu'il en soit, en avril de la même année, M. D'Amours a finalement avisé M. De Montigny que sa démission était acceptée. Celui-ci a intenté sa poursuite l'année suivante, au motif qu'il avait été contraint de démissionner en raison de conditions de travail déraisonnables. Le juge n'est pas du même avis.