Sorties indemnes de la crise économique et bien nanties, les banques canadiennes passent en mode d'attaque à l'étranger, multipliant les acquisitions, surtout aux États-Unis, où elles profitent de la vulnérabilité de leurs rivales.

Le plus récent exemple est venu aujourd'hui de la banque Toronto Dominion [[|ticker sym='T.TD'|]], deuxième du Canada, qui a racheté Chrysler Financial, l'ex-branche financière du constructeur automobile américain, pour 6,3 milliards de dollars en espèce.

Ce rachat intervient quelques jours après que la Banque de Montréal [[|ticker sym='T.BMO'|]] eut doublé sa présence aux États-Unis en rachetant la banque en difficulté Marshall & Ilsley (M&I) pour 4,1 milliards de dollars US en actions.

Plus tôt cet automne, c'est la banque Scotia [[|ticker sym='T.BNS'|]] qui avait annoncé une série de rachats au Panama, au Brésil et au Chili, étendant ainsi à une dizaine de pays sa présence en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Quant à la Banque TD, avec plus de 1250 succursales sur toute la côte est américaine, du Maine jusqu'à la Floride, elle compte parmi les dix plus grandes banques des États-Unis, un pays où elle n'est présente que depuis 2005.

S'ajoutant au rachat de la banque The South Financial Group conclu plus tôt cette année, l'acquisition va permettre à la TD d'accroître et de diversifier son portefeuille de prêts aux États-Unis et au Canada, où Chrysler Financial est aussi actif.

La TD hérite au passage d'environ 1 million de nouveaux clients et devient ainsi l'un des cinq plus gros prêteurs du marché automobile appartenant à une banque en Amérique du Nord, a-t-elle indiqué dans un communiqué.

La transaction aura une incidence neutre sur son bénéfice d'exploitation en 2011, mais lui rapportera 100 millions en 2012 et produira ensuite un rendement sur le capital investi d'environ 20% d'ici trois ou quatre ans.

Cet engouement des banquiers canadiens pour l'étranger n'est pas nouveau. «Les banques canadiennes ont toujours eu un penchant très international depuis leur création», rappelle Bernard Elie, professeur d'économie et spécialiste des banques à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Il s'est accentué à la fin des années 1990 lorsque le gouvernement canadien, pour des raisons politiques et de concurrence, a interdit deux mariages qu'envisageaient quatre des cinq grandes banques du pays.

Depuis, ces banques - la Banque Royale du Canada [[|ticker sym='T.RY'|]], la TD, la Scotia, la Banque de Montréal et la Banque CIBC [[|ticker sym='T.CM'|]] - se tournent vers l'étranger pour grossir, une situation rendue encore plus attrayante en ce moment par la force du dollar canadien, qui est à parité avec le dollar américain.

«Il y a une conjoncture à court terme - la faiblesse des banques américaines, la force du dollar canadien - qui les encourage encore plus à vouloir prendre le contrôle d'institutions financières aux États-Unis, qui est quand même le marché financier le plus important de la planète», précise M. Elie à l'AFP.

«Dès qu'il y a quelque chose à vendre aux ÉEtats-Unis, les banques canadiennes se pointent», ajoute-t-il, en soulignant l'extrême fragmentation du marché bancaire américain, qui compte une pléthore de petits établissements ne dépassant parfois même pas les limites géographiques d'un comté.

C'est tout le contraire au Canada, où les cinq grandes banques contrôlent 85% du marché. «Les banques canadiennes comptent parmi les grandes banques de la planète avec des actifs qui dépassent les 3000 milliards de dollars», précise M. Elie.

Dans ce contexte, l'expert n'entrevoit pas la fin prochaine de la vague d'acquisitions des banques canadiennes à l'étranger: elles ont cumulé ensemble cette année un bénéfice net frôlant les 20 milliards, leur donnant largement les moyens de leurs ambitions.