L'État de New York a annoncé mardi dans un communiqué avoir lancé des poursuites contre le cabinet chargé de certifier les comptes de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, Ernst & Young, l'accusant de l'avoir aidée à masquer l'imminence d'une faillite.

Le procureur général de l'État, Andrew Cuomo, a déposé une plainte au civil, où il accuse le cabinet d'une «fraude comptable consistant à retirer subrepticement du bilan de Lehman des dizaines de milliards de dollars de titres financiers liés aux marchés du crédit, afin de tromper le grand public sur l'état réel de ses liquidités».

Précisément, il accuse Ernst & Young d'avoir mis en oeuvre «pendant plus de sept ans, jusqu'au dépôt de bilan en septembre 2008», une technique appelée «Repo 105», qui consiste à prêter à une autre institution financière des actifs de mauvaise qualité juste le temps d'arrêter les comptes trimestriels.

Des banques européennes prenaient ces actifs durant quelques jours, en échange de liquidités. Elles recevaient une commission.

Les montants dissimulés ont grimpé jusqu'à 50 milliards de dollars. Ces transactions auraient été légales si elles avaient été présentées comme des «prêts». Or elles étaient désignées comme des «ventes».

«Le grand public n'était pas averti du fait que le groupe était obligé de dépenser des dizaines de milliards de dollars pour racheter ces mêmes titres qu'il avait prétendument 'vendus' lors des transactions», a accusé l'État de New York dans le texte de sa plainte, transmise à la presse.

«Un cabinet comptable de réputation mondiale, chargé d'auditer les communications financières de Lehman, a aidé à cacher ces renseignements cruciaux», a expliqué M. Cuomo.

Ils ont permis à Lehman Brothers de réduire le ratio de ses engagements sur ses actifs, régulièrement mis en avant par la banque comme un signe de la solidité de ses comptes et de son modèle économique.

Les services de M. Cuomo citent dans leur plainte des échanges internes chez Ernst & Young et chez Lehman Brothers montrant que certains étaient inquiets de la viabilité de cette pratique.

«Bien qu'informé que le grand public était berné, Ernst & Young n'a jamais remis en cause la pratique ni cherché à la dévoiler aux investisseurs», en a conclu le plaignant.

Les poursuites ont pour but de récupérer «la totalité des honoraires collectées pour le travail accompli au profit de Lehman entre 2001 et 2008, qui dépassent les 150 millions de dollars, plus des dommages et intérêts pour les investisseurs», a indiqué l'État de New York.

La faillite de Lehman Brothers, la plus grande de l'histoire, a non seulement fait s'évaporer des actions dont la valeur totale avait approché les 60 milliards de dollars début 2007, mais aussi causé une perte sèche aux détenteurs des multiples actifs financiers (obligations, dérivés de crédit, etc.) émis par la banque ou liés à elle.

Lehman Brothers avait 613 milliards de dollars de dette au moment de sa chute.