En s'en prenant aux trois agences de notation mondiales pour leur rôle dans la plus grave crise financière depuis la Grande Dépression, les États ont aiguisé les appétits de nouveaux acteurs, mais le quasi-monopole du «triumvirat» n'est pas pour autant prêt de vaciller.

«Il s'agit à la fois d'introduire plus de concurrence et de favoriser la désensibilisation des investisseurs aux notes», résume Jérôme Cazes, le directeur général de l'assureur-crédit français Coface, qui veut investir ce marché.

 

Comme Coface, l'assureur-crédit français Euler Hermes, les groupes américains Egan Jones et DBRS ou encore le cabinet d'analyses Meredith Whitney Advisory Group veulent concurrencer les trois mastodontes que sont Moody's Investors Service, Fitch Ratings et Standard & Poor's.

L'agence chinoise Dagon Global Credit Rating s'est de son côté fait remarquer en dégradant la note des États-Unis.

«Tout ce qui apporte plus de concurrence dans la notation est utile», analyse l'économiste Michel Aglietta, car «il faut davantage de diversité pour que les marchés fonctionnent mieux».

Traditionnellement, les entreprises et les États cherchant à lever des fonds demandent à une agence de notation d'évaluer leur capacité à rembourser cette dette. Ce label leur permet de solliciter des emprunteurs, notamment étrangers, qui ne les connaissent pas.

S'ils n'entendent pas devenir des agences généralistes, les nouveaux venus veulent néanmoins évaluer la solidité financière des entreprises et celles de certains organismes publics à l'exception des dettes souveraines (États).

Contrairement à la «troïka», ils veulent se consacrer à des zones spécifiques. Meredith Whitney vise les États-Unis, tandis qu'Euler Hermes est confiné pour l'instant à l'Allemagne.

«Ca va être difficile pour eux, car la notation ne sera jamais un marché libre», commente M. Aglietta. L'économiste relève toutefois que les acteurs qui se sont illustrés dans un secteur comme Coface (exportations) ou Meredith Whitney (banque) peuvent tirer leur épingle.

«Ils ont déjà une base clientèle auprès de laquelle ils sont crédibles», avance-t-il.

Le succès du groupe américain A.M. Best, spécialisé dans les établissements financiers, montre en effet que la place existe pour des concurrents aux trois géants de la notation.

Officiellement Moody's, S&P et Fitch semblent se réjouir de l'arrivée de la concurrence. Chez Fitch, on précise même que l'institut «y a toujours été favorable».

Il faut dire que les obstacles que doivent franchir les nouveaux venus suffisent à rassurer les trois grands sur la pérennité de leur hégémonie.

Ils doivent notamment obtenir l'agrément des régulateurs. Or «le système d'agrément a été bâti pour être facile pour les trois grandes agences et un chemin de croix pour les autres», dénonce Jérôme Cazes.

Pourtant la Commission européenne se dit favorable à l'émergence de petites agences pour plus de transparence et d'équilibre des marchés.

Les autorités reprochent à S&P, Moody's et Fitch d'avoir accentué la crise financière en attribuant des notes positives à des produits complexes, qui se sont révélés défaillants. Elles craignent aussi des conflits d'intérêt du fait que les agences sont remunérées par les émetteurs des dettes qu'elles sont censées noter.

Les prétendants doivent aussi convaincre les emprunteurs de se passer des trois grands, dont la notation est censée être un gage de transparence. Son utilisation est aussi fondamentale chez les régulateurs et les banques centrales pour classer les actifs en fonction des risques.

«Autant dire que les conditions ne sont pas encore réunies pour avoir un marché concurrentiel», juge M. Aglietta.

Pour briser ces écueils, les analystes prônent la création d'agences de notation publiques ou encore des aides gouvernementales aux nouveaux venus.