Le gouvernement de l'Ontario veut implanter sa propre réglementation sur le marché des produits dérivés, ce qui pourrait empiéter sur l'une des spécialités du milieu financier montréalais.

C'est d'ailleurs avec un certain étonnement que des intervenants de ce secteur ont réagi à l'annonce par le ministre ontarien des Finances, hier à Toronto, qu'il confiait à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario la création d'un « cadre robuste de réglementation » pour les produits dérivés.

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«Nous venons d'apprendre ce projet de l'Ontario. Et non, nous n'avons pas été consultés au préalable», a indiqué Ronald Alepian, porte-parole de la Bourse de Montréal et de sa société mère, le groupe boursier TMX.

On semblait surpris aussi à la direction de l'Autorité des marchés financiers (AMF) du Québec. D'autant que l'AMF a le rôle de premier régulateur des produits dérivés au Canada depuis que la Bourse de Montréal s'est spécialisée dans ce marché, il y a plusieurs années.

«Nous prendrons d'abord connaissance du document du gouvernement ontarien avant de le commenter», a indiqué brièvement le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

Il a néanmoins émis l'hypothèse que l'Ontario chercherait à rehausser sa réglementation des produits dérivés parce qu'elle n'a encore « aucune juridiction claire sur ce type de produits ».

En comparaison, depuis bientôt deux ans, le Québec et l'AMF ont implanté une réglementation spécifique envers les produits dérivés.

Par ailleurs, avec son projet de «grappe financière» à Montréal qui sera implanté sous peu avec des intervenants du milieu, le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a déjà fait part du marché des produits dérivés comme l'un des créneaux prioritaires de concertation et de développement.

Pris de court par l'annonce de l'Ontario, hier après-midi, le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, n'a pu s'en informer suffisamment afin de faire des commentaires immédiats.

Dans son énoncé fait à Queens' Park, et que La Presse Affaires a parcouru, le ministre ontarien des Finances, Dwight Duncan, inscrit clairement son projet de réglementation des produits dérivés parmi les autres ambitions de l'Ontario dans le secteur financier.

Entre autres, il mentionne le projet appuyé par Ottawa d'une « commission nationale de valeurs mobilières » qui serait établie à Toronto afin de renforcer sa prédominance financière au Canada.

Dans ce contexte, le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, a rappelé que des initiatives de réglementation accrue des produits dérivés sont déjà en cours parmi les instances financières au Canada.

Elles s'inscrivent dans les réformes entreprises à l'échelle internationale après la grave crise financière de 2008, et dont l'une des causes fut la débandade du marché des produits dérivés de titres de dette aux États-Unis.

Au Canada, la réglementation accrue des produits dérivés s'effectue à deux niveaux principaux. D'une part, les commissions de valeurs mobilières, dont l'AMF, sont en pleine consultation ces temps-ci afin d'en arriver l'an prochain à de nouvelles normes spécifiques au marché des produits dérivés. En suivi de récents accords internationaux, le marché canadien des produits dérivés hors-cote sera bientôt soumis à une supervision obligatoire par un organisme de marché reconnu. Or, il s'agit d'une responsabilité que convoite ardemment la Bourse de Montréal.