Ottawa devrait surseoir à son projet de loi imminent pour établir une commission unique de valeurs mobilières, réclame à son tour la présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux.

«J'invite le fédéral à prendre une pause afin de ramener les intervenants autour d'une table et dégager une forme de consensus», a déclaré Mme Leroux à La Presse Affaires, hier, à l'occasion de la publication des résultats trimestriels de Desjardins.

«Il ne devrait pas y avoir de projet de loi fédéral tant que des discussions suffisantes n'auront pas eu lieu avec les provinces», selon Mme Leroux.

En s'exprimant ainsi, la présidente de Desjardins rejoint les commentaires exprimés mercredi par les dirigents d'une autre grande entreprise financière de Montréal, la Financière Power.

Ces propos surviennent après la mobilisation du milieu d'affaires québécois contre le projet fédéral qui a été lancée en début de semaine par le ministre des Finances, Raymond Bachand. Avant les déclarations des présidents de la Financière Power et de Desjardins, les grands patrons de la finance québécoise étaient demeurés discrets.

Du côté de la Banque Nationale et de la Laurentienne, par exemple, on délègue les interventions dans ce débat à l'Association des banquiers canadiens. Et ce, même si ses principaux membres, tous basés à Toronto, appuient le projet fédéral d'un régulateur unique et centralisé en remplacement des commissions actuelles de juridiction provinciale.

Pour contrer le projet fédéral, qu'elles jugent inconstitutionnel, les provinces de l'Alberta et du Québec ont entrepris des démarches juridiques devant leur Cour d'appel respective.

Mais de l'avis de la présidente du Mouvement Desjardins, cet important débat sur la structure de régulation financière au Canada doit être soustrait des «interférences politiques» et ramené sur le terrain d'un «consensus national».

Aussi, estime Mme Leroux, il faudrait prendre le temps de mieux éprouver le système plus coordonné mis en place récemment parmi les commissions provinciales, dont l'AMF au Québec.

«Ce système de passeport réglementaire fait ses preuves jusqu'à maintenant. Le Canada est d'ailleurs reconnu comme ayant l'un des meilleurs encadrements financiers au monde», a-t-elle souligné.

«Cela dit, il y a sans doute des aspects du passeport qui mériteraient à être bonifiés. Mais avec une bonne coordination, avoir des commissions solides dans certaines provinces n'empêche pas d'avoir un système national solide.»

Quant aux derniers résultats du Mouvement Desjardins, Monique Leroux avait plusieurs bonnes raisons de les vanter.

Car non seulement le rebond de l'après-crise s'est confirmé, mais Desjardins a retrouvé un rythme de croissance enviable.

«L'année 2010 a débuté avec force chez Desjardins. De plus, ça provenait surtout de la croissance fondamentale dans tous nos principaux secteurs, au lieu d'un simple redressement après deux années difficiles», a résumé Mme Leroux.

Au seul niveau de l'actif, Desjardins a terminé le premier trimestre à 165,7 milliards, ce qui représente un gain de 8,4 milliards ou 5,3% en un an.

Au niveau de l'exploitation, les revenus totaux étaient en forte progression de 24% à 2,79 milliards.

La croissance était plus forte au niveau de l'excédent, l'équivalent du bénéfice dans les banques.

Il a atteint 381 millions au premier trimestre, plus de deux fois le montant d'un an auparavant, alors en pleine tourmente financière et boursière.

Et même en excluant la variation d'actifs spéciaux comme les anciens papiers commerciaux (PCAA), l'excédent de Desjardins au premier trimestre était en hausse forte de 66% par rapport à l'an dernier.

Parmi les principaux secteurs d'affaires, c'est le rebond des excédents dans le réseau des caisses, de l'ordre de 62%, qui a été le plus remarqué chez Desjardins lors du premier trimestre 2010.

Car jusqu'au trimestre précédent, en fin 2009, les résultats des caisses ont peiné des faibles taux d'intérêt alors que les autres divisions de Desjardins amélioraient leurs résultats.