Les réformes du secteur financier dont on discute actuellement aux États-Unis et ailleurs ciblent la prévention des crises financières et bancaires futures. Un risque dans ces discussions est de répondre aux expériences récentes au lieu de bien comprendre les risques à venir. En d'autres termes, nous devrions nous concentrer à répondre à la question «D'où viendra la prochaine crise?» plutôt que «D'où provient la crise actuelle?».

Selon l'expérience au cours des dernières décennies de plusieurs pays développés, le candidat le plus probable est le marché de l'immobilier. Quoique loin d'être irréfutable, ce choix est tiré de l'observation que plusieurs crises bancaires débutent lors des cycles d'expansion et de ralentissement des valeurs immobilières. Il ne représente pas le seul facteur de risque, mais il est probablement le facteur le plus important.

Il faut se rappeler qu'à la fin de 2008, le Federal Reserve Board avait évalué qu'il y avait 12 000 milliards US de dettes hypothécaires sur les propriétés résidentielles aux États-Unis, dont 85% étaient détenues par le secteur financier. L'indice composé Case-Shiller sur les prix des logements a chuté du tiers de sa valeur depuis son sommet en 2006 et le plus récent sondage mené par la Mortgage Banker Association indique que 13,5% des hypothèques résidentielles sont en souffrance ou en forclusion. Même si les pertes ne représentent finalement que 5% de la dette hypothécaire, la baisse de la valeur nette réelle qui apparaîtrait au bilan serait tout de même de 600 milliards de dollars. On peut facilement comprendre que des pertes de plus de 500 milliards de dollars pourraient rendre des banques insolvables. C'est la recette pour une crise bancaire.

Il serait irréaliste de penser qu'on peut rendre notre système financier beaucoup moins risqué sans réduire la menace d'une nouvelle crise dans l'avenir provoquée par la chute des prix dans le secteur de l'immobilier. Bien sûr, il semble qu'il existe beaucoup de moyens pour y arriver, mais en gros, il s'agit de combiner la réduction de la volatilité des prix de l'immobilier et la réduction de l'exposition du secteur bancaire à l'immobilier.

De manière surprenante, aucune mesure actuellement envisagée dans les discussions du G20 ne se penche directement sur la volatilité des prix de l'immobilier ou sur l'exposition du secteur bancaire à cette volatilité. Ce qui est encore plus surprenant dans le débat sur la réforme du secteur financier est qu'il est en grande partie concentré sur les organismes de réglementation, les droits bancaires et les environnements commerciaux et que peu d'attention a été portée sur la réforme des règlements touchant les hypothèques et les valeurs liées aux hypothèques. Deux mesures mériteraient donc d'être étudiées davantage.

Premièrement, comme les hypothèques à haut niveau d'endettement augmentent le risque systémique du secteur financier, elles devraient donc être découragées. On peut le faire de plusieurs façons, notamment en imposant une taxe sur les hypothèques dont la valeur d'emprunt est élevée, en imposant une assurance obligatoire, en limitant la valeur des privilèges qui peuvent être liés à l'immobilier, ou simplement en limitant la déductibilité de l'intérêt hypothécaire. La baisse du niveau d'endettement pourrait aussi diminuer la fluctuation des prix du marché de l'immobilier.

Une deuxième mesure serait de mieux réglementer le secteur de l'assurance hypothécaire et des produits liés aux hypothèques (y compris les dérivés de crédit hypothécaire). Une assurance hypothèque est un tampon essentiel entre les replis du marché immobilier et la solvabilité du système bancaire. Malheureusement, en cas de repli national des prix de l'immobilier, il n'est pas évident que des assureurs privés auront les ressources nécessaires pour honorer leurs promesses d'indemnisation. Au minimum, le gouvernement doit imposer des besoins en capital propres à l'assurance hypothécaire et aux autres produits financiers dérivés connexes qui nécessitent un certain niveau de réserves financières en lien avec le risque macroéconomique de ce marché.

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Simon van Norden, Ph. D. est professeur titulaire, service de l'enseignement de la finance, HEC Montréal