Les dirigeants des banques canadiennes qui ont obtenu des options d'achat d'actions dans leur rémunération en 2009 peuvent déjà s'en frotter les mains et comme jamais auparavant.

Grâce au vigoureux rebond boursier, les options qu'ils ont obtenues à prix d'aubaine en début d'exercice 2009, alors que les actions des banques étaient fortement dépréciées, ont gagné fortement en valeur en quelques mois à peine.

En fait, parmi les six principales banques canadiennes, la plus-value potentielle des millions d'options octroyées à leurs dirigeants frôlait déjà les 250 millions de dollars à la fin de leur exercice.

La Presse Affaires a fait ce constat à partir des rapports annuels 2009 des six banques, qu'elles distribuent ces jours-ci parmi leurs actionnaires.

Cette somme de 250 millions représente la différence entre les prix d'exercice des options - coût prédéterminé des futures actions - et le cours boursier des actions de chaque banque à leur fin d'exercice, au 31 octobre dernier.

Par ailleurs, selon la taille des banques, ce sont les dirigeants et cadres supérieurs de la Banque Nationale, basée à Montréal, qui pourraient bénéficier le plus de l'impact du rebond boursier sur la valeur des options obtenues en 2009.

Cette plus-value potentielle atteignait déjà les 50 millions en fin d'exercice 2009, 10 mois à peine après l'octroi de ces options.

Cette somme se compare à la plus-value des options consenties aux dirigeants de la Banque Scotia, mais dont l'actif est trois fois plus gros que celui de la Nationale.

À la Banque Toronto-Dominion, la plus-value potentielle des options de 2009 est encore plus élevée, de l'ordre de 80 millions. Toutefois, il s'agit d'une valeur supérieure de 60% à celle des options des dirigeants de la Nationale, alors que la Banque TD est quatre fois plus grosse selon l'actif.

Parmi les trois autres principales banques dirigées de Toronto, le montant de la plus-value potentielle des options en fin d'exercice 2009 varie de 13 à 35 millions (voir tableau).

Dans tous les cas, cependant, le protocole d'allocation des options d'achat en début d'exercice conjugué à un rebond boursier d'une rare vigueur augure d'un exercice 2009 très rémunérateur pour les dirigeants des banques.

Et ce, évidemment, à défaut d'un autre (et improbable?) krach boursier qui surviendrait durant les quelques premières années de «gel» de transactions avec les options d'achat d'actions.

Dans le cas de la Banque Nationale, d'un intérêt particulier au Québec, les options ont été consenties avec un prix d'exercice de 34,87$ par action future.

Et comme chaque année, ce montant correspondait au cours boursier des actions en début d'exercice, au moment de la première réunion du Comité de rémunération de son conseil d'administration.

Mais cette fois, en décembre 2008, le cours boursier de la Nationale et, partant, le prix d'exercice des options avait glissé à leur niveau le plus bas des huit dernières années.

Cette déprime boursière résultait de la crise financière et bancaire des mois précédents, à l'automne 2008, qui s'était manifesté par un krach allongé en Bourse.

Or, moins d'un an plus tard, en fin d'exercice le 31 octobre dernier, les actions de la Nationale s'étaient déjà redressées à 56,39$ l'unité en Bourse.

Grâce à ce redressement, les 2,35 millions d'options d'achat d'actions à 34,87$ distribuées en 2009 parmi les dirigeants de la Nationale ont déjà acquis une plus-value potentielle de 50 millions.

Selon les critiques de la rémunération des dirigeants d'entreprise, la plus-value d'une ampleur sans précédent pour les options consenties en 2009 aux banquiers canadiens pourrait raviver un débat qui perdure depuis des années.

«Les options d'achat d'actions sont très critiquables en guise de rémunération parce que leur valeur dépend trop des marchés boursiers, au lieu de la performance même des dirigeants d'une banque ou d'une entreprise», a expliqué Louise Champoux-Paillé, du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC).

Critique fréquent des banques pour leurs relations avec les actionnaires, le MEDAC dévoile d'ailleurs ce matin les demandes qu'il formulera au cours des prochaines assemblées annuelles.

D'autant que cette annéemarque le début des votes d'actionnaires sur la rémunération des dirigeants de banques, le «sayon- pay» dans le jargon boursier.

«Nous attendons avec impatience les prochaines circulaires de direction des banques (document préparatoire d'assemblée), a expliqué Mme Champoux-Paillé. Pour la première fois, nous devrions y retrouver des explications compréhensibles sur les conditions ainsi que les coûts actuels et futurs de la rémunération des dirigeants. Et dans ce lot, la valeur attribuée aux options d'achat d'actions fera l'objet d'un examen particulièrement attentif.»