La justice américaine poursuit à son tour pour pratiques anti-concurrentielles le numéro un mondial des micro-processeurs, Intel, qui a déjà dû verser une amende record de 1,06 milliard d'euros (1,7 milliard CAN) en Europe.

Le ministre de la Justice de l'État de New York, Andrew Cuomo, a annoncé mercredi qu'il poursuivait Intel pour pratiques anti-concurrentielles, accusant le groupe d'user de corruption, de menaces et de mesures de rétorsion pour obliger les fabricants d'ordinateurs à utiliser ses produits.

«Intel a enfreint le droit de l'État et du pays en se livrant à une campagne mondiale systématique, révélée dans des courriels et visant à maintenir sa position de monopole et ses prix sur le marché des micro-processeurs», accuse le département de la Justice new-yorkais.

Intel a promis de «se défendre» devant la justice fédérale, où il est déjà poursuivi par son concurrent AMD.

«Nous ne sommes pas d'accord avec le ministre, a précisé le porte-parole du groupe, Chuck Molloy. Ni les consommateurs, qui ont toujours bénéficié de prix plus bas et de l'innovation, ni la justice ne sont servis par la décision d'engager des poursuites maintenant», a-t-il ajouté.

Pour M. Cuomo, «Intel s'est livré à la corruption et aux coercitions pour étrangler le marché».

Intel a fait appel de la décision européenne, qui l'a plongé dans le rouge au deuxième trimestre.

M. Cuomo a appuyé ses accusations, transmises à un tribunal fédéral dans le Delawar, sur «des millions de pages de documents et de courriels» rassemblés au cours d'une enquête ouverte en janvier 2008.

Selon une source proche du dossier, ce sont les mêmes documents qui ont motivé l'amende européenne et qui étayent les poursuites d'AMD, lesquelles doivent déboucher sur un procès dans le Delaware en mars.

«Pour obtenir des accords d'exclusivité», détaille le Ministère, Intel versait de supposés rabais qui étaient en fait «des pots-de-vin sans but légitime» - des sommes qui «pouvaient faire la différence entre des bénéfices ou des pertes pour des fabricants».

Intel tentait en outre, selon ces accusations, de dissimuler ses actions en recourant à du langage codé ou en éliminant ses exigences les plus contestables des accords écrits.

Le Ministère a livré quelques échanges particulièrement évocateurs pour appuyer ses accusations: «Intel nous a dit que l'annonce de Hewlett-Packard sur (des puces AMD) leur avait coûté plusieurs milliards de dollars et qu'il avait l'intention de "punir" HP», s'inquiétait ainsi un cadre dirigeant du fabricant informatique en septembre 2004.

Les deux dirigeants d'Intel, Paul Otellini (directeur général) et Craig Barrett (président du conseil d'administration), «sont prêts au jihad si Dell rejoint l'exode AMD. Nous aurons ZERO (rabais) pendant au moins un trimestre ... nous n'avons aucun moyen légal/moral/dissuasif d'éviter ça», s'alarmait un cadre de Dell en février 2004.

«Parlons-en au téléphone, c'est difficile pour moi d'écrire ou d'expliquer les choses en faisant abstraction des problèmes de concurrence», demandait de son côté un négociateur d'Intel en avril 2006.

De source proche du dossier, on indiquait que les poursuites lancées par M. Cuomo risquaient fort de ne pas déboucher sur un nouveau procès: si Intel l'emportait contre AMD, elles seraient automatiquement éteintes. Dans le cas contraire, le ministre de la Justice de New York pourrait se joindre à des poursuites en nom collectif lancées par ailleurs.