Primes des banquiers, réglementation de la finance, programmes de soutien économique... Autant de sujets qui seront discutés par les puissants de ce monde aujourd'hui à Pittsburgh une ville qui, contrairement à l'économie mondiale, résiste bien à la crise financière.

L'État doit-il se mettre le nez dans les primes que versent les banques à leurs employés? La question risque de provoquer des étincelles au sommet du G20 qui s'ouvre aujourd'hui à Pittsburgh. Au Canada, deux banques ont déjà fait le ménage dans leur politique de bonus... et d'autres pourraient bientôt suivre.

La fameuse question de la paie des banquiers demeure un sujet chaud. Déjà, Nicolas Sarkozy a menacé de claquer la porte du sommet du G20 si les gouvernements ne s'engagent pas à plafonner ces primes.

«On discute, cela se bagarre (...) mais il faut qu'on trouve un accord», a affirmé hier le président français à la veille du sommet.

M. Sarkozy a l'Allemagne et le gros de l'Europe derrière lui, mais risque de croiser le fer avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Ces deux pays veulent préserver l'attractivité de leurs centres financiers et s'opposent à ce que les gouvernements limitent les bonus versés aux banquiers.

La Réserve fédérale américaine a bien indiqué qu'elle souhaite pouvoir superviser les politiques de rémunération des banques, mais cette position reste en deçà de la position européenne et n'a pas reçu l'aval de la Maison-Blanche.

Le Canada n'échappe pas au débat. Mardi, la présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, a affirmé lors d'une allocution que réglementer les primes versées aux banquiers n'est pas la solution aux problèmes du système financier.

Des banques canadiennes réagissent

Toute cette question fait suite à la débâcle du système financier l'an dernier, quand les gouvernements du monde avaient dû voler au secours des banques. Plusieurs ont placé la rémunération des courtiers au banc des accusés, affirmant que leurs bonus les incitent à prendre des risques à court terme sans se soucier de la viabilité des opérations.

Certaines banques canadiennes, conscientes du problème, ont déjà réagi sans attendre la réglementation. La division valeurs mobilières de la Banque Royale a justement révisé cette semaine la façon dont elle paie ses courtiers et ses banquiers d'affaires.

Au menu: répartir les primes sur une plus longue période pour éviter de récompenser la prise de risques à court terme, et obliger les directeurs exécutifs à détenir un minimum d'actions question d'enligner leurs intérêts avec ceux des actionnaires.

La Banque Royale se réserve aussi le droit de retirer une prime versée à un employé en cas de fraude ou de mauvaise conduite de sa part.

La Royale est la deuxième banque au pays à modifier la politique de rémunération de ses courtiers suite à la crise financière. Au printemps, la Banque Scotia avait adopté des mesures similaires.

Brian Barsness est vice-président aux ventes et aux opérations chez Meritas Financial, un gestionnaire de fonds mutuels qui a convaincu les banques de soumettre la rémunération de leurs hauts dirigeants au vote des actionnaires.

Il se réjouit de voir les deux banques canadiennes modifier leurs politiques de rémunération.

«C'est un grand pas dans la bonne direction», commente-t-il, disant s'attendre à voir les autres banques canadiennes suivre le mouvement. La Banque Nationale et le Mouvement Desjardins ont effectivement confirmé à La Presse Affaires qu'ils en sont aussi à réviser les politiques de rémunération des courtiers des marchés financiers.

«Même si chez nous il n'y a pas eu d'abus, il reste que c'est un dossier sur lequel on observe la tendance mondiale. Notre direction est en train d'examiner ça», a dit André Chapleau, porte-parole du Mouvement Desjardins, expliquant que la coopérative ne peut payer ses banquiers en actions et doit donc trouver des «formes de rémunération originales.» «On suit les développements dans le domaine, on regarde ce que font les organismes internationaux, et actuellement il y a des discussions à l'interne», a aussi confirmé Denis Dubé, porte-parole à la Nationale.

La Banque Laurentienne a expliqué que sa division «valeurs mobilières» est encore petite et ne nécessite pas de changements immédiats, mais on dit garder les yeux ouverts sur ce qui se passe.

Du côté de la Banque de Montréal, on a dit «évaluer régulièrement les modes de rémunération des différentes lignes d'affaires» sans annoncer de changements particuliers. Valeurs mobilières TD a affirmé être déjà un «leader en termes de gouvernance» et dit ne considérer que des ajustements mineurs.

- Avec AP et AFP