Ulcéré par les frais qu'exigent les sociétés de cartes de crédit, Alimentation Couche-Tard (t.ATD.B) songe à lancer, avec d'autres détaillants canadiens et américains, sa propre carte de paiement afin de contourner les institutions financières.

C'est ce qu'a révélé mercredi le président et chef de la direction de l'entreprise lavalloise, Alain Bouchard, en marge de l'assemblée annuelle des actionnaires.

Cela fait des années que Couche-Tard et d'autres commerçants dénoncent les frais facturés par les géants Visa, MasterCard et American Express pour l'utilisation des cartes de crédit.

Selon l'entreprise, ces frais oscillent entre 1,75 et deux pour cent de la valeur des transactions dans le secteur des dépanneurs et stations-service au Canada et aux Etats-Unis, contre tout juste 0,5 pour cent en Australie, où la pratique est plus étroitement réglementée.

Pour Couche-Tard et ses concurrents, la situation est devenue particulièrement critique alors les prix de l'essence montaient en flèche, l'été dernier: cela avait non seulement pour effet de réduire les marges bénéficiaires, mais aussi de faire bondir les frais reliés aux cartes de crédit.

Au cours de l'exercice terminé à la fin avril 2008, qui avait été particulièrement affecté par les prix élevés de l'essence, Couche-Tard dit avoir dépensé quelque 180 millions $ US en frais de cartes de crédit, soit presque autant que ses profits nets de 189,3 millions $ US.

D'après des données de l'industrie, les frais de cartes de crédit payés par les dépanneurs et les stations-service aux Etats-Unis ont totalisé 8,4 milliards $ US en 2008, alors que les profits avant impôts de ceux-ci ont atteint 5,3 milliards $ US.

Selon la direction de Couche-Tard, une carte maison permettrait de diviser par quatre les frais, donc de les ramener à environ 0,5 pour de la valeur des transactions.

«C'est clair que les économies (réalisées par Couche-Tard) seraient dirigées vers le consommateur par l'entremise de programmes de récompense», a assuré le chef de la direction financière de l'entreprise, Raymond Paré, au cours d'une conférence de presse.

M. Bouchard n'a pas voulu donner trop de détails sur ce qu'il a décrit comme un «plan B». Il a refusé de dire si le groupe de détaillants dont Couche-Tard a pris la tête s'allierait à un groupe financier pour établir sa carte de «débit-crédit». Les cartes de plusieurs grands magasins sont gérées par des institutions financières parallèles comme GE Money.

Tout au plus le dirigeant a-t-il indiqué que la carte pourrait être lancée d'ici un à trois ans. Sa préférence serait néanmoins d'en arriver à une entente avec les sociétés de cartes, mais jusqu'ici, les pressions des détaillants et de certains politiciens américains n'ont rien donné.

Acquisitions

Alain Bouchard a par ailleurs réitéré mercredi son intention de réaliser plusieurs acquisitions au cours des prochains mois, principalement aux Etats-Unis. Contrairement à l'année dernière, l'entreprise n'a pas rendu public le nombre de magasins qu'elle compte acheter, ce qui ne veut pas dire que ses ambitions sont moins grandes qu'avant.

«Aux Etats-Unis, j'ai au moins sept ou huit acquisitions de 1000 magasins et plus qui pourraient m'intéresser», a lancé M. Bouchard.

Le grand patron a tenu à rappeler la difficulté de conclure de grandes acquisitions, ce qui ne l'a toutefois pas empêché d'avancer que Couche-Tard pourrait «doubler» sa taille au cours des prochaines années. Le détaillant compte actuellement 4414 magasins qu'il possède directement, plus 1492 qui sont exploités par des franchisés, pour un total de 5906 établissements

L'action de Couche-Tard a clôturé à 19,22 $, en baisse de 0,2 pour cent, à la Bourse de Toronto.