Dans la foulée des scandales financiers comme la présumée fraude commise par Earl Jones, des planificateurs financiers demanderont au gouvernement Charest de leur créer un ordre professionnel.

L'Institut québécois de planification financière (IQPF), organisme qui regroupe 4742 planificateurs financiers, rencontrera la ministre de la Justice du Québec, Kathleen Weil, d'ici la fin de l'été. Cette rencontre était prévue depuis plusieurs mois - soit bien avant l'éclosion de l'affaire Earl Jones la semaine dernière -, mais l'organisme compte se servir du dernier scandale financier québécois afin de convaincre la ministre Weil de créer un ordre professionnel pour les planificateurs financiers.

«Avec un ordre professionnel, ce ne serait pas long qu'il y aurait des poursuites pour exercice illégal, dit Jocelyne Houle-LeSarge, directrice générale de l'IQPF. Il me semble que ce serait pas mal plus gênant pour un ordre professionnel que pour les organismes actuels de réglementation.»

Au cabinet de la ministre Weil, on affirme que la création d'un ordre professionnel pour les planificateurs financiers est un scénario «prématuré», dit Philippe Archambault, attaché de presse de la ministre Weil, actuellement en vacances à l'extérieur du pays.

Les planificateurs financiers sont présentement régis par trois organismes au Québec. L'Autorité des marchés financiers (AMF) délivre les permis d'exercice, l'IQPF supervise la formation de base (trois ans d'études universitaires), fait passer un examen obligatoire à l'obtention du titre de planificateur financier et donne la formation continue (40 heures aux deux ans), tandis que la Chambre de la sécurité financière s'occupe des questions déontologiques.

À la lumière des récents scandales financiers, l'IQPF estime que cette structure est devenue trop lourde, surtout lorsqu'une personne se fait passer pour un planificateur financier ou fait des gestes réservés exclusivement aux planificateurs financiers. Dans le cas d'Earl Jones, qui se présentait comme un «conseiller administratif», l'AMF tente de déterminer s'il a fait des gestes réservés aux planificateurs financiers. Earl Jones, qui aurait détourné entre 30 et 50 millions de dollars des poches de ses clients selon l'AMF, ne détenait pas de permis d'exercice de l'AMF.

En 2008, l'Office des professions du Québec avait recommandé au gouvernement Charest de ne pas fonder d'ordre professionnel pour les planificateurs financiers après examen de la demande de l'IQPF. L'Office estimait que les planificateurs financiers répondaient à tous les critères pour obtenir un ordre professionnel, mais qu'ils étaient déjà soumis à toute la réglementation nécessaire afin de bien protéger le public.

«Il y a un avantage de créer un ordre professionnel si vous n'êtes pas encadrés sur le plan juridique, mais ce n'est pas le cas des planificateurs financiers qui sont déjà encadrés par l'AMF et la Chambre, a dit Jean Paul Dutrisac, président de l'Office des professions du Québec, hier en entrevue à La Presse Affaires. En plus, 95% des organismes qui ont comparu nous décourageaient à créer un ordre professionnel pour les planificateurs financiers.» L'AMF et la Chambre de la sécurité financière se sont notamment opposées au projet d'ordre professionnel.

André Buteau, ancien président de l'IQPF qui a travaillé sur la demande de l'organisme à l'Ordre des professions du Québec, n'est pas d'accord avec sa recommandation au gouvernement. «Un ordre professionnel ne règle pas tous les problèmes, mais il permet de tout rassembler sous un même toit. Un organisme est généralement mieux géré quand il est intégré. Un ordre professionnel serait aussi plus insistant sur la question de l'exercice illégal», dit le planificateur financier à La Financière Liberté 55.