La Réserve fédérale américaine (Fed) avait bien peu de neuf à offrir aux investisseurs en reconduisant hier son taux directeur et son programme d'assouplissement non conventionnel annoncé plus tôt ce printemps. Elle n'a pas non plus fourni d'indications précises sur la stratégie qu'elle devra avant longtemps adopter pour mettre fin aux injections extraordinaires de liquidités dans le système financier.

Ces choix ont été faits à l'unanimité par les membres de son Comité de politique monétaire (FOMC). Ils ont peu influencé le tempo des marchés boursiers, mais affaibli quelque peu l'enthousiasme des acheteurs d'obligations.

 

La Fed apporte tout au plus quelques nuances dans sa description de la situation économique actuelle. En répétant que le rythme de contraction de l'économie ralentit, le communiqué publié par le FOMC constate pour la première fois «l'amélioration générale des conditions des marchés financiers».

Autre nuance encourageante, la Fed affirme que «les entreprises diminuent leurs investissements en immobilisations et leur effectif, mais paraissent réaliser des progrès en ajustant le niveau de leurs stocks à leurs ventes».

La Fed adoucit aussi le ton à propos de l'inflation, mentionnant seulement qu'elle sera plus faible que désiré pendant un moment. On la sent moins préoccupée qu'au printemps par des perspectives de déflation.

Les investisseurs qui s'attendaient à une accélération prochaine de la planche à billets resteront sur leur faim. Les autorités monétaires américaines s'en tiennent au cadre annoncé: achat pouvant aller jusqu'à 1250 milliards de titres hypothécaires émis par Fanny Mae et Freddie Mac, de 200 millions des obligations de Freddie et de Fanny et, enfin, achat jusqu'à concurrence de 300 milliards de dettes du gouvernement américain, d'ici l'automne.

Selon Bloomberg, la Fed a jusqu'ici acheté 177,5 milliards de Treasuries toutes échéances confondues, soit bien peu, compte tenu des besoins quasi insatiables de financement de Washington cette année.

Ce statu quo a eu pour effet immédiat de faire grimper les taux obligataires sur les marchés, en particulier dans les longues échéances qui servent d'ancrage à la fixation des taux hypothécaires.

Les échéances 10 ans ont gagné six centièmes, à 3,69%, et les 30 ans tout autant, à 4,41%.

«Il se peut que la Fed reconnaisse qu'ajouter des liquidités n'apporte rien de plus», suggèrent Karen Cordes et Derek Holt, économistes chez Scotia Capitaux.

À leurs yeux, la Fed est prise dans un cercle vicieux. Dans un contexte normal, abaisser les taux d'intérêt stimule la demande de prêts et relance la consommation. Dans le contexte présent, la baisse des taux d'intérêt incite les ménages à rembourser leurs dettes et les banques à renforcer leurs bilans. Les torrents de liquidités émises par la Fed lui reviennent sous forme de dépôts par les institutions. Ses initiatives n'ont plus beaucoup d'influence sur l'économie réelle.

Bien des observateurs étaient aussi à l'affût d'indices qui indiqueraient comment la Fed entend retirer rapidement du marché ces liquidités extraordinaires afin d'éviter que la reprise soit entachée par une poussée inflationniste ou par des bulles spéculatives, comme cela a été le cas après la récession de 2001.

La lenteur avec laquelle la Fed d'Alan Greenspan avait remonté les taux est perçue aujourd'hui comme une des causes ayant provoqué la crise de l'habitation en 2006 et toujours loin d'être résorbée.

Le communiqué précise que «le FOMC surveille la taille et la composition de son bilan et apportera les ajustements à ses programmes de crédits et de liquidités qui s'imposent».

«Il s'agit peut-être là d'une étape vers l'esquisse d'une éventuelle stratégie de sortie» suggère timidement Milan Mulraine, économiste chez TD Valeurs mobilières.