Ottawa a proposé hier de nouvelles mesures pour protéger davantage les utilisateurs de cartes de crédit.

blank_pageLe hic, c'est que la plupart de ces mesures ont déjà cours au Québec.

«Ça ressemble beaucoup à des mesurettes, a déploré le responsable des communications de l'Union des consommateurs, Charles Tanguay. Il y en a plusieurs qui ont déjà en vigueur au Québec par la voie de la Loi sur la protection du consommateur.»

C'est ainsi que le ministre des Finances, Jim Flaherty, a indiqué hier que les utilisateurs pourront bénéficier d'une période de grâce de 21 jours sans intérêt pour les nouveaux achats, à condition de payer le solde en entier.

«Ce ne sera pas nouveau pour les Québécois, a commenté M. Tanguay. Nous sommes contents de voir que le gouvernement fédéral s'inspire de la réglementation québécoise pour imposer des mesures partout, mais pour ici, ce n'est pas grand-chose.»

Élise Thériault, conseillère juridique chez Option consommateurs, a ajouté que certaines mesures québécoises allaient encore plus loin que les nouvelles mesures proposées par le ministre Flaherty.

Le ministre a ainsi annoncé que les institutions financières ne pourront plus hausser la limite de crédit d'une personne sans obtenir son consentement explicite.

«Au Québec, c'est le consommateur qui doit demander une hausse de sa limite de crédit», a fait observer Mme Thériault.

M. Flaherty a fait savoir que les institutions financières ne pourront plus imposer des frais lorsqu'un client dépasse involontairement sa limite de crédit parce qu'un commerçant a fait une retenue sur le crédit disponible.

Ce genre de retenue est notamment effectué par les stations-services et les hôtels qui veulent ainsi s'assurer de la disponibilité des fonds.

M. Tanguay a affirmé que ces frais étaient déjà illégaux au Québec parce qu'une institution financière ne peut augmenter la limite de crédit sans la demande du client.

«Lorsqu'une transaction a pour effet de dépasser la limite de crédit, elle devrait être refusée», a-t-il affirmé.

Le ministre Flaherty a aussi proposé des limites aux pratiques de recouvrement des institutions financières. Celles-ci ne pourront plus essayer de communiquer avec les clients retardataires après 21h les jours de semaine et le samedi, et après 17h le dimanche.

«Au Québec, la loi demande à ce que ces communications aient lieu entre 8h et 20h du lundi au samedi, a indiqué Mme Thériault. Il n'y a pas de recouvrement le dimanche.»

M. Tanguay, de l'Union des consommateurs, a trouvé intéressant le fait que le ministre Flaherty propose d'obliger les institutions financières à favoriser davantage les consommateurs lorsque ceux-ci effectuent un paiement supérieur au minimum requis. À l'heure actuelle, les institutions affectent ces paiements au solde impayé portant le taux d'intérêt le moins élevé (les taux d'intérêt varient souvent selon qu'ils s'appliquent à des achats, des transferts de solde ou des avances de fonds). Les nouvelles mesures fédérales les obligeront à affecter ces paiements au solde portant le taux le plus élevé, ou à répartir les paiements de façon proportionnelle entre les différents types de soldes.

«Malheureusement, M. Flaherty n'a pas pris complètement le camp des consommateurs, a déploré M. Tanguay. Il aurait pu se brancher et demander carrément à ce que les paiements soient affectés au solde portant le taux le plus bas, au lieu de permettre une répartition au prorata.»

Les principales critiques des organisations de protection des consommateurs ont cependant porté sur les mesures que le ministre fédéral n'a pas proposées, comme un mécanisme visant à limiter les taux d'intérêt des cartes de crédit.

«Le taux directeur n'a jamais été aussi bas, alors que les taux des cartes de crédit n'ont jamais été aussi hauts, a dénoncé Mme Thériault. Ce n'est pas normal qu'on n'essaie pas de trouver une solution à ce problème-là.»

M. Tanguay a également souligné que les frais imposés aux commerçants étaient de plus en plus élevés. «C'était de 2% par transaction, ça frôle maintenant les 4 ou 5%, a-t-il affirmé. C'est caché dans le prix des biens et services qu'on achète, qu'on paie au comptant ou par carte de crédit.»

L'Association des banquiers canadiens n'a pas non plus apprécié les mesures du ministre Flaherty, mais pour de tout autres raisons.

«Ce projet de règlement pourrait limiter la capacité des banques de fournir certains des services auxquels les clients s'attendent, restreindre le nombre d'options de cartes de crédit et réduire la disponibilité du crédit dans le cas de certains clients», a affirmé le directeur de l'association pour le Québec, Jacques Hébert.

Il a ajouté que les changements qu'il faudra apporter au système seront particulièrement coûteux, à un moment où les banques ressentent les effets de la récession.