Les déboires de la Caisse de dépôt vont avoir des conséquences douloureuses pour les travailleurs de la construction qui prendront tout prochainement leur retraite.

La perte de 600 millions de dollars du fonds de retraite de la construction, signifie une réduction «moyenne» de 4% des rentes dans un avenir immédiat, une coupe potentielle de 700$ par année pour les 3000 ouvriers qui comptaient accrocher leur marteau en 2009.

Hier, à la commission parlementaire chargée d'examiner les pertes record - 40 milliards de la Caisse de dépôt en 2008 -, le président de la Commission de la construction, André Ménard, n'a pas caché que les employés qui «prendront leur retraite cette année subiront les effets des rendements négatifs de la Caisse». Les 77 000 ouvriers qui sont déjà à la retraite ne seront pas affectés.

«Il ne faut pas penser que les résultats de la Caisse de dépôt n'auront aucun impact à moyen et à long terme à la Commission de la construction. Pour l'année en cours il n'y a pas de changement», s'est contenté de dire le ministre du Travail, David Whissell.

En 2004, forcés d'effacer un énorme déficit actuariel - 1,2 milliard de la caisse de retraite de la construction -, syndicats et entrepreneurs s'étaient entendus sur une refonte majeure: les employeurs augmentaient sensiblement leur contribution, mais, en revanche, les salariés perdaient leur régime à prestation déterminée. Comme les futurs retraités se partagent ce qu'il y a dans la cagnotte, qui en 2008 est passée de 12 à 10 milliards, cette perte de 2 milliards pour ce fonds géré par la Caisse de dépôt a un impact beaucoup plus immédiat que pour les autres retraités dont la rente est à prestation déterminée. Il y a 237 000 salariés qui contribuent à ce régime de rente moins généreux que celui de leurs prédécesseurs.

Hier, les critiques péquiste et adéquiste aux Finances, François Rebello et François Bonnardel, ont salué la «franchise» du président de la Commission de la construction, M. Ménard. La veille, la plupart des autres «déposants» à la Caisse avaient soutenu que les hausses prévisibles de rendement annuleraient les mauvais résultats de 2008. «M. Ménard est le premier qui nous dit en pleine face que cela sera difficile, que les travailleurs auront à payer plus», a dit M. Bonnardel. Le péquiste François Rebello a salué la détermination de M. Ménard «d'embarquer sur la glace et de poser des questions à la Caisse de dépôt».

En Chambre, la chef péquiste Pauline Marois a fait un dur bilan de la semaine en commission parlementaire. «C'est la signature de ce gouvernement: refuser de rendre des comptes. Peut-on donner l'heure juste aux Québécois et leur dire de combien leur chèque de paie sera amputé? Les résultats de la Caisse sont connus depuis février, on a amplement eu le temps d'évaluer les impacts!» a-t-elle lancé. Selon François Legault, le gouvernement devrait aussi convoquer à la barre Luc Verville, ex-cadre de la Caisse de dépôt, responsable des papiers commerciaux qui a contredit dans les médias le témoignage de son ancien patron, Henri-Paul Rousseau.

Pour le ministre des Finances, Raymond Bachand, 34 heures de commission parlementaire suffisent à expliquer ce qui s'est passé à la Caisse. La commission terminera mardi avec son témoignage.

Abandonner la Caisse?

«Perdre 2 milliards de dollars, c'est pas rien, c'est venu gruger la réserve de 1,5 milliard qu'on était parvenus à se constituer après le changement de régime», a soutenu M. Ménard.

En plus, sans amélioration des rendements, il faudra ajouter 75 cents de l'heure aux cotisations payées par l'employeur qui sont déjà de 3,50$ pour un «compagnon», un ouvrier reconnu. La période pourrait être allongée pour favoriser la capitalisation du régime - on vise actuellement 2018 -, ce qui réduirait la pression à la hausse sur les cotisations, explique-t-on à la CCQ.

Hier encore, M. Ménard a souligné que les résultats décevants de la Caisse avaient relancé un débat à l'interne sur l'opportunité de continuer comme déposant. «Pour l'instant» la CCQ reste parmi les déposants à la Caisse. Mais «les gens de l'industrie envoient un message à la Caisse. On veut des relations plus étroites avec la Caisse, on veut des rendements, mais des titres qui ne sont pas trop volatils. Quand nous choisissons un portefeuille en obligations, on veut savoir ce qu'il y a dedans», a précisé M. Ménard.