La Banque Laurentienne (LB) fait un pied de nez à la récession: elle s'apprête à connaître un nouvel exercice record en matière de dépôts et de prêts.

C'est ce qu'a indiqué lundi le président et chef de la direction de l'institution montréalaise, Réjean Robitaille, au cours d'une allocution prononcée à la tribune du Cercle canadien. «On connaît nos six premiers mois de l'année, on connaît ce qu'on a dans le pipeline et c'est déjà plus élevé (en volume) que l'année dernière», a-t-il expliqué en point de presse par la suite. Il est encore trop tôt pour savoir si les profits atteindront eux aussi un niveau inégalé.

Au dernier exercice, terminé le 30 septembre 2008, le secteur particuliers et PME de la Laurentienne a enregistré un chiffre d'affaires de 415 millions $ et un bénéfice net de 45,4 millions $. Les profits nets totaux de la Banque ont atteint 102,5 millions $ sur des revenus de 630,5 millions $.

L'institution profite de la bonne résilience de l'économie québécoise, mais elle sait aussi se faire opportuniste. Pendant la saison REER, elle a offert, par le biais des conseillers financiers indépendants qui sont clients de sa filiale B2B Trust, un compte d'investissement à intérêt élevé qui lui a permis d'aller chercher «des milliards de nouveaux dollars très, très rapidement», s'est félicité M. Robitaille. Des fonds que l'on prêtera à la clientèle d'affaires de l'ensemble du pays.

La crise du crédit, qui a réduit les possibilités de financement pour les entreprises, en raison notamment du retrait de certaines banques étrangères du marché canadien, a ouvert de nouvelles occasions d'affaires pour la Laurentienne. «Je reçois des appels que je ne recevais pas avant», a confié le PDG.

«Il y a des projets qui nous intéressaient plus ou moins par le passé parce qu'il y avait tellement de compétition et que la tarification était à des niveaux qui étaient, selon nous, pas profitables. Eh bien là, tout à coup, l'environnement (l'écart entre les taux d'intérêts d'emprunt et de prêt) fait que c'est intéressant pour le client et que ça peut l'être pour nous.»

Les meilleurs rendements obtenus du côté du financement commercial permettent à la Laurentienne d'atténuer quelque peu la diminution des marges bénéficiaires dans le secteur des hypothèques résidentielles, une situation attribuable à la vive concurrence et aux faibles taux d'intérêt.

Pas si pire, la récession?

Fait intéressant, Réjean Robitaille n'est pas convaincu que la récession actuelle est la pire depuis la Grande Dépression, comme le répètent plusieurs économistes depuis des mois.

«Jusqu'à présent, ça semble mieux que celle du début des années 1980», a estimé celui qui se qualifie d'«éternel optimiste».

Par contre, la récente poussée des bourses ne veut pas dire que le pire est nécessairement derrière nous. «2009 va être une année relativement difficile», a convenu M. Robitaille, ne sachant trop comment interpréter la «lueur» des dernières semaines. «Les pertes sur prêts vont augmenter», a-t-il prévenu, avant d'ajouter qu'«aucune banque n'est immunisée» contre une récession.

Le grand patron a expliqué lundi la solidité actuelle de la Laurentienne par les leçons tirées de l'éclatement de la bulle technologique, en 2000-01, qui lui avait coûté cher. Cette prudence a dissuadé la banque de se lancer massivement dans le papier commercial adossé à des actifs (elle en détenait tout de même pour 20 millions $ en 2007) et les produits dérivés complexes.

Pour la suite des choses, Réjean Robitaille craint qu'on sorte de la crise sans apporter des changements importants au système économique. Comme bien d'autres, il s'attend à ce que la réglementation soit resserrée. Mais en évoquant certains scandales financiers américains des dernières années, il constate «que les gens n'ont pas vraiment appris».

Circonspect sur les réformes à mettre de l'avant, M. Robitaille glisse tout de même que la rémunération de certains dirigeants américains a été «scandaleuse». Il souhaite que l'on mette moins l'accent sur le rendement à court terme pour privilégier davantage le long terme.

Quant à la nomination de Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec, décriée par certains commentateurs, le grand patron de la Laurentienne se montre beau joueur. «Ce n'est pas maintenant qu'on peut juger de la pertinence de M. Sabia, ça va être dans quelques années», a-t-il affirmé.