Les banques américaines, qui s'apprêtent à publier leurs résultats trimestriels, ont reçu une bouffée d'oxygène jeudi avec l'assouplissement de règles comptables controversées qui leur ont imposé des centaines de milliards de dépréciations d'actifs.

Sous une pression politique intense, l'association professionnelle en charge de la standardisation des normes comptables aux Etat-Unis, le Financial Accounting Standards Board (FASB), a approuvé une modification de la règle dite de «mark-to-market», qui oblige les institutions financières à évaluer leurs actifs à leur valeur de marché.

Dans les cas des actifs «toxiques» hérités de la bulle immobilière, très difficilement échangeables, cette valeur est souvent considérée comme très faible, conduisant à des dépréciations estimées à 800 milliards de dollars depuis deux ans.

Les mesures adoptées jeudi visent à donner plus de latitude aux établissements pour déterminer la valeur de ces actifs, dans un cadre plus souple que celui d'une vente forcée. Elles pourront s'appliquer dès la publication des résultats du premier trimestre, mais ne seront pas rétroactives.

L'Association américaine des banques (ABA) a salué cette décision, qui va selon elle permettre aux banque «d'utiliser leur jugement lorsque qu'elles évaluents les actifs non liquides» et de «fournir des estimations justes» de leurs valeurs.

Ces modifications «devraient doper les profits des institutions financières», a jugé Ed Yardeni, de Yardeni Research. «Et plus important encore, cela va réduire la pression qui s'exerce sur elle pour lever des fonds pour combler les trous créés par la règle originale dans leur capital».

«Les banques peuvent maintenant évaluer leurs actifs à un prix plus juste», qui sera «probablement supérieur à celui de décembre», à la fin du trimestre précédent, a confirmé Marc Pado, analyste de Cantor Fitzgerald.

«Des actifs plus élevés dans leurs comptes signifient qu'elles sont plus solvables, en meilleure santé financière», a-t-il ajouté. «Cela va probablement donner une très bonne impression des banques quand elles vont annoncer leurs résultats dans les semaines à venir».

A Wall Street, la nouvelles a été d'autant bien accueillie que plusieurs banques, dont les problématiques Citigroup et Bank of America, ont assuré avoir été rentables sur les deux premiers mois de l'année, hors dépréciations.

«Le risque de voir une banque s'effondrer est désormais passé», a avancé Marc Pado.

Près de deux ans après l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, qui s'est transformée en dramatique crise du crédit, les actifs toxiques héritées des années fastes continuent d'empoisonner les institutions financières.

Le Trésor américain avait annoncé le 23 mars un plan visant à racheter aux banques leurs prêts douteux et leurs titres adossés à des actifs immobiliers, par des mécanismes associant l'Etat au secteur privé.

Mais en attendant de voir ce système s'appliquer, les parlementaires américains avaient demandé au FASB d'agir rapidement, mettant fin à des mois de polémiques entre économistes et analystes financiers.

Pour certains, laisser les banques évaluer elles-mêmes leurs actifs ne fait que renforcer le flou qui entoure les comptes des banques, et pourrait susciter davantage de méfiance des investisseurs.

Ces règles avaient été en effet renforcées après un série de scandales comptables, dont celui qui avait conduit à la faillite d'Enron.

Dans le Wall Street Journal, l'éditorialiste Michael Rapoport a jugé les demandes d'assouplissement des banques «largement bidons». «Après tout, aucune règle comptable n'a forcé les banques à créer, puis à investir dans les titres toxiques qui ont contribué à la crise».

Les analystes de Credit Suisse ont estimé que le FASB «devrait se concentrer sur les vrais problèmes». «Nous aurions préféré voir tous les instruments financiers inscrits dans les comptes à leur juste marché», ont-ils indiqué.