En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

«Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.» - Jean de La Fontaine, Les animaux malades de la peste, Livre VII, 1678

 

Les années récentes ont vu un essor rapide des échanges mondiaux et de l'investissement étranger direct (IED) dans le secteur des services. Le secteur tertiaire, jusqu'alors cantonné au plan national, est devenu transnational. Les services financiers ont suivi la tendance générale à la globalisation. Au niveau macroéconomique, l'internationalisation des services financiers favorise l'instauration de systèmes financiers plus stables et plus efficients par l'adoption de pratiques et de normes internationales, l'amélioration et la diversification des services, et une stimulation de la croissance. La crise actuelle remet-elle en cause l'internationalisation des établissements financiers?

Avant les années 70, les opérations bancaires à l'étranger consistaient surtout à créer des branches ou des bureaux à l'appui des activités des multinationales non financières. Tel est toujours le cas, mais les objectifs ont changé. Les nouvelles technologies, les nouveaux instruments financiers et la déréglementation des marchés dans les années 80 et 90 ont fait évoluer le rôle des groupes financiers. Beaucoup de sociétés ont multiplié leurs investissements à l'étranger pour doper la croissance et rester concurrentielles sur les marchés globaux émergents, s'exposant du même coup à de nouveaux risques d'opérations globaux.

La diversification internationale est considérée comme une stratégie de croissance influant sur la performance des entreprises. Les sociétés dotées de compétences acquises sur le marché national peuvent les exploiter à l'international pour offrir de meilleurs services à moindre coût. La décision d'investir à l'étranger se fonde sur un triple objectif lié aux marchés (ou débouchés), à l'efficience et aux ressources ou actifs recherchés.

Les facteurs liés aux marchés semblent être une incitation majeure. Les études empiriques montrent que la dimension et la croissance des marchés dans les pays hôtes sont un des principaux facteurs encourageant l'IED. L'efficience, tant humaine que technologique, est récemment apparue comme un déterminant majeur de l'IED contribuant à la globalisation des activités des sociétés financières. La recherche montre que des facteurs microéconomiques, tels que la taille de la société, l'efficience et les restrictions bancaires à domicile, sont des facteurs de l'internationalisation des groupes financiers. Les pressions concurrentielles incitent les entreprises financières à se tourner vers l'international.

La recherche économique montre également que la stabilité macroéconomique, le risque lié au pays hôte et les politiques gouvernementales sont des déterminants clés de l'IED. La bonne gouvernance a suscité un intérêt croissant et le rôle des gouvernements a été au coeur du débat sur la gestion des risques liés aux investissements des multinationales. La crise actuelle a renforcé l'intérêt d'une bonne gouvernance dans le secteur financier.

La croissance des grands groupes financiers est surtout due aux fusions et acquisitions internationales. L'essor des conglomérats financiers a concerné tant les économies développées que les pays en développement, notamment en Amérique latine. Si l'Europe est la grande bénéficiaire des principales fusions et acquisitions de ces dernières années, aucun géant bancaire n'a émergé sur le continent et les absorptions d'envergure ont jusqu'ici échoué en raison de cultures bancaires différentes et d'une orientation préférentielle vers le marché national.

L'avenir est toujours aux opportunités de croissance. Le niveau de capitalisation bancaire, tel qu'inscrit dans les normes Bâle II (Nouvel accord de Bâle), est inclus au dispositif prudentiel visant à mieux appréhender les risques bancaires via des exigences en fonds propres plus strictes. Ces directives, préparées depuis 1998 par le Comité de Bâle sous l'égide de la Banque des règlements internationaux (BRI), sont un facteur motivant les futures fusions et acquisitions. De surcroît, outre ces règles, les caisses de retraite aux États-Unis et dans certains pays européens doivent doubler de taille dans la décennie. La fragmentation de ce marché, notamment aux États-Unis, laisse augurer une croissance des acquisitions par de grands groupes financiers. On peut donc conclure que l'internationalisation des grands groupes financiers est d'autant plus d'actualité qu'elle s'accompagnera d'une gestion globale des risques d'opérations.

L'auteur est professeur associé au service de l'enseignement de la Finance à HEC Montréal. www.hec.ca/profs/j-francois.outreville.html