Le débat controversé sur la rémunération des dirigeants de banques franchit une étape considérable, au moment où leurs actionnaires se réunissent en assemblée annuelle.

Trois des principales banques canadiennes ont l'intention de soumettre désormais la rémunération de leurs hauts dirigeants à un vote consultatif parmi leurs actionnaires.

 

La Banque Nationale [[|ticker sym='T.NA'|]], qui réunit ses actionnaires aujourd'hui à Québec, a ouvert la marche en annonçant hier, avec ses résultats de premier trimestre, qu'elle acquiesçait à un tel vote de ses actionnaires sur la rémunération de ses hauts dirigeants.

Cette décision constitue un revirement à l'opposition de la Nationale à une telle proposition, qu'elle avait d'ailleurs inscrite formellement dans les documents préparatoires à son assemblée d'actionnaires.

Puis, toujours hier, les actionnaires des banques Royale [[|ticker sym='T.RY'|]] et CIBC [[|ticker sym='T.CM'|]], réunis en assemblées respectives à Vancouver, ont voté majoritairement en faveur de propositions demandant l'instauration d'un vote consultatif sur la rémunération des dirigeants.

Avec ces votes, les actionnaires de la Royale et de la CIBC ont, pour une rare fois, bafoué complètement une recommandation de leur conseil d'administration, qui était contre ces propositions.

Ainsi rabroués, les principaux administrateurs des deux banques ont été forcés de céder à la volonté des actionnaires. Et d'indiquer sur le champ qu'ils verront à instaurer un vote sur la rémunération des dirigeants dès leur prochaine assemblée d'actionnaires, dans un an.

«C'est une étape importante qui permettra de faire reconnaître aux actionnaires un meilleur droit de regard sur la rémunération des dirigeants», s'est réjoui Claude Béland, président du MEDAC, en réaction à ces annonces des banques.

Le MEDAC est un regroupement québécois d'actionnaires activistes qui a soumis des propositions demandant un vote d'actionnaires sur la rémunération des dirigeants à l'occasion des assemblées des banques, qui ont lieu ces jours-ci.

Il s'agira toutefois d'une demande de vote consultatif, donc sans contraintes juridiques pour les banques. N'empêche, on compte sur leur influence considérable sur les administrateurs.

«Demander plus qu'un vote consultatif à ce moment-ci aurait contredit la primauté des conseils d'administration des banques envers la rémunération des dirigeants, ce qui requiert des démarches réglementaires complexes», a expliqué M. Béland.

«Mais si on se rend compte à l'usage que les banques ne tiennent pas compte des votes consultatifs, on pourra toujours revenir à la charge avec des demandes de votes plus contraignants.»

Entre-temps, c'est au tour des actionnaires de la Banque Nationale de se prononcer aujourd'hui sur une telle proposition.

Mais ce vote s'annonce plutôt symbolique parce que la direction de la Nationale l'a devancé en annonçant hier son accord à un vote consultatif des actionnaires sur la rémunération des dirigeants. Cette annonce s'avère aussi une volte-face en quelques semaines de la part de la Banque Nationale.

«Cette décision reflète ce que nous disaient nos actionnaires depuis un certain temps. Un tel vote consultatif s'avère aussi une bonne pratique de régie d'entreprise», a soutenu Denis Dubé, porte-porte de la banque.

Il faut rappeler que la Nationale s'est retrouvée à l'avant-scène du débat sur la rémunération lorsqu'elle a consenti à ses dirigeants la plus forte hausse parmi les principales banques canadiennes, pour l'exercice 2008.

Aussi, le président de la Banque Nationale, Louis Vachon, avait refusé d'imiter des vis-à-vis torontois qui ont renoncé à une partie de leur rémunération, citant la mauvaise conjoncture et le recul des résultats de leurs banques respectives.

Mais hier, à la veille de son grand rendez-vous annuel avec les actionnaires, Louis Vachon a annoncé qu'il renonçait à 40% de son portefeuille personnel de 2,5 millions de dollars en papiers commerciaux (PCAA).

Cet avoir était coincé depuis plus d'un an dans la crise du marché des PCAA, qui a d'ailleurs coûté un peu plus de 900 millions en frais spéciaux à la Banque Nationale.

Alors qu'il s'apprête à récupérer cet avoir, à l'instar de plusieurs clients de la Nationale, Louis Vachon s'est imposé une «dépréciation» spéciale de 40% semblable à celle subie par la Banque avec ses 2,3 milliards en PCAA viciés.

Le montant de cette ponction, décrite à hauteur de 1 million de dollars, sera remis à des oeuvres de charité.