Des entrepreneurs généraux pourraient envisager des recours, à la suite de la grève illégale des grutiers. Ils s'affairent présentement à mesurer les répercussions de la grève: retards dans leurs chantiers, augmentation des coûts, possibilité de pénalité, etc.

«Qui sont les responsables et qui pourra être poursuivi ou vers qui on pourra faire des recours? Il faut avoir l'ampleur des dommages avant d'adresser les recours aux personnes concernées, faire l'état des dommages. Et ça, on en a encore pour, je dirais, quelques mois encore», a indiqué Éric Côté, vice-président principal à la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, au cours d'une entrevue avec La Presse canadienne, vendredi.

Exemples

Par exemple, des chantiers à l'échéancier serré accusent un retard qui fait que le travail devra être repris en heures supplémentaires pour livrer l'ouvrage à temps. Qui paiera ce supplément? demande M. Côté.

Un effet domino se fait aussi sentir sur plusieurs chantiers. Ainsi, des tâches qui devaient être accomplies en septembre le seront en octobre, et ainsi de suite. Ultimement des travaux devront donc être exécutés en hiver - ce qui suppose une augmentation des coûts, parce qu'il faut chauffer les installations. Qui paiera pour cette augmentation des coûts? demande encore M. Côté.

D'autres entrepreneurs risquent d'être confrontés à une pénalité prévue au contrat s'ils ne respectent pas la date de livraison prévue.

Il cite également le cas d'un édifice à condominiums dont la livraison des unités est prévue pour le 1er juillet 2019 et qui ne pourra peut-être pas être complètement finalisé à temps. Des acheteurs pourraient retirer leur offre d'achat ou demander une compensation financière. Encore une fois: qui paiera pour ça? demande M. Côté.

Certains pourront peut-être absorber les coûts supplémentaires ou reporter dans le temps, mais pas tous. «Ça va occasionner des marges de profit plus basses sur certains projets. Ça peut même menacer certaines entreprises qui ont des projets plus serrés, ou moins de projets, et qui n'ont pas la flexibilité ou les marges de manoeuvre pour passer à travers ces situations-là», explique M. Côté.

«Il y a des coûts qui ne pourront pas être absorbés. Et, à ce moment-là, l'entrepreneur n'aura pas d'autre choix que de prendre des recours contre les responsables de cette situation-là. Ultimement, ça pourrait être les travailleurs eux-mêmes, ça pourrait être un sous-traitant qui est grutier, ou même les syndicats qui ont travaillé de manière concertée pour provoquer cet arrêt de travail-là, illégal», avance M. Côté.

Il se dit par ailleurs «très heureux du travail fait par la Commission de la construction», qui a pris la chose au sérieux. Plus tôt cette semaine, la CCQ a fait savoir que 650 dossiers d'enquête avaient été ouverts, en lien avec cette grève illégale. Cela pourrait aussi avoir un effet dissuasif pour l'avenir, croit M. Côté.

La grève

Les grutiers s'étaient d'abord absentés du chantier du nouveau pont Champlain le jeudi 14 juin, puis la grève s'était généralisée à l'ensemble des chantiers le lundi suivant. Ce n'est que le mardi 25, au lendemain du congé de la Fête nationale, qu'ils étaient rentrés au travail. Ils ne s'étaient même pas pliés à une ordonnance de retour au travail prononcée par le Tribunal, le jeudi 21.

Les grutiers ont débrayé en signe de protestation contre de nouvelles règles sur leur formation, qui permettent notamment la formation en entreprise. Ils y voient une menace pour la sécurité des travailleurs et du public.

La grève des grutiers était illégale parce que les conventions collectives dans l'industrie de la construction sont en vigueur jusqu'en 2021.

Propriétaires de grues

De son côté, l'Association des propriétaires de grues a salué l'annonce de la création d'un comité indépendant pour «résoudre la crise qui sévit dans l'industrie de la construction». Elle a invité le gouvernement à faire connaître bientôt le mandat précis du comité et l'identité de ses membres.

«Les propriétaires de grues ont à coeur la santé et la sécurité de leurs employés sur les chantiers et souhaitent que ce comité indépendant démystifie la situation actuelle en proposant une solution» à laquelle chaque partie pourra apporter son expertise, a-t-elle fait savoir, par voie de communiqué.