Tourisme Montréal, un organisme sans but lucratif financé à 86 % par des taxes et des fonds publics, estime que ses subventions accordées aux festivals montréalais sont « confidentielles ».

Cette politique de confidentialité tranche avec celle des autres organismes subventionnaires des festivals : le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal dévoilent tous le montant de chaque subvention attribuée aux festivals et événements touristiques. D'autres associations touristiques régionales comme l'Office de tourisme de Québec et Tourisme Mauricie ont aussi divulgué à La Presse les subventions individuelles à leurs festivals.

Tourisme Montréal dit ne pas dévoiler le montant des subventions individuelles afin « d'éviter toutes comparaisons entre les événements ». « Le programme existe depuis 20 ans, on donne toutes sortes de détails sur le programme, mais on n'a jamais diffusé les montants individuels pour ne pas faire de comparaisons entre chacun des événements. C'est la vision depuis le début du programme, ça n'a jamais causé de problème ni de questionnement. Nous sommes une organisation privée qui fait affaire avec des organisations privées [les festivals]. C'est la première fois qu'on nous fait part que ça pourrait poser un problème », dit Pierre Bellerose, vice-président recherche et relations publiques de Tourisme Montréal, en entrevue à La Presse.

En 2017, Tourisme Montréal a accordé des subventions totalisant 3,1 millions à 58 festivals et événements en vertu de ce programme de subventions, soit une moyenne de 53 400 $ par événement.

OSBL

Tourisme Montréal est un organisme sans but lucratif constitué d'environ 800 membres (hôteliers, restaurants, festivals, attractions) qui élisent le conseil d'administration. Le financement de Tourisme Montréal provient toutefois essentiellement de fonds publics : 77 % du financement (37,8 millions en 2017) provient de la taxe d'hébergement de 3,5 % sur les nuitées d'hôtel, 9 % du financement (4,2 millions) provient du gouvernement fédéral, du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal, et 14 % du financement (7,1 millions) provient de fonds privés.

La taxe d'hébergement est une « taxe » perçue par Revenu Québec et redistribuée ensuite intégralement à Tourisme Montréal, indique Revenu Québec. Cette taxe est payée par les touristes qui louent des chambres d'hôtel à Montréal.

Le professeur Michel Magnan, titulaire de la Chaire en gouvernance Stephen A. Jarislowsky à l'Université Concordia, est favorable au fait que Tourisme Montréal divulgue le montant individuel de ses subventions.

« Ça devient une question de principe en matière de transparence et de gouvernance. Ce serait judicieux de divulguer dans la mesure où on se donne une politique de reddition de comptes. » - Michel Magnan

« D'un point de vue de gouvernance, les fonds proviennent dans l'ensemble des payeurs de taxes. L'organisme est dans son droit de ne pas le divulguer [Tourisme Montréal est un organisme sans but lucratif, pas un organisme public à proprement dit], mais ça devient une question de philosophie de gouvernance. »

Michel Magnan fait valoir que ce type d'information n'est pas sensible sur le plan stratégique ou commercial. Ottawa, Québec et la Ville de Montréal les dévoilent d'ailleurs de leur côté. D'autres associations touristiques régionales donnent aussi le montant des subventions : l'Office de tourisme de Québec a accordé 412 500 $ au Carnaval de Québec en 2018 et 112 500 $ au Festival d'été de Québec en 2017, et Tourisme Mauricie a accordé 26 600 $ au Festival western de St-Tite en 2017.

« Les autres instances le divulguent, mais ce ne sont pas des secrets d'affaires, indique le professeur Magnan. Surtout compte tenu de leur historique [de Tourisme Montréal], on aurait tendance à pencher dans un excès [pour divulguer]. »

En 2013, Tourisme Montréal avait été critiqué par le Vérificateur général du Québec pour sa gestion et la rémunération consentie à son ex-PDG Charles Lapointe, qui touchait 398 300 $ par an. Il avait aussi une allocation annuelle pour une voiture même si Tourisme Montréal lui en fournissait une. M. Lapointe s'était aussi fait rembourser des frais en double (10 000 $ sur trois ans) et il avait déduit sur sa déclaration d'impôt personnelle 64 000 $ en dons de charité qui avaient été remboursés par Tourisme Montréal, selon Radio-Canada. M. Lapointe est parti de Tourisme Montréal avec une indemnité de départ de 654 000 $.

Tourisme Montréal indique avoir changé ses politiques de gouvernance après le dossier de la rémunération de Charles Lapointe. Mais la rémunération de ses hauts dirigeants, dont son PDG Yves Lalumière, n'est pas publique. « Comme beaucoup d'organismes privés, on ne juge pas que ce sont des informations pertinentes à rendre publiques », dit Pierre Bellerose, de Tourisme Montréal.