Le crime de délit d'initié est très difficile à démontrer en cour, selon les experts en la matière.

« Les délits d'initié sont parmi les crimes les plus difficiles à prouver, car cela se fait par de la preuve indirecte et des inférences que l'on peut en faire », explique Mario Naccarato, professeur titulaire à la faculté de droit de l'Université Laval.

Pour cette raison, l'échec encaissé mercredi par l'Autorité des marchés financiers (AMF) ne devrait pas trop nuire à sa crédibilité, selon Claude Mathieu, professeur de finance et responsable du programme de lutte contre la criminalité financière à l'Université de Sherbrooke.

« La décision [de mercredi] ne devrait pas être vue comme une atteinte à la crédibilité de l'AMF. Je pense que la marge est grande pour sauter à cette conclusion. »

L'AMF a d'ailleurs déjà eu quelques succès dans ce domaine au cours des dernières années, comme le démontre cette liste non exhaustive.

QUELQUES CAS RÉCENTS DE DÉLITS D'INITIÉ

Dominic Côté

Cet ancien chef d'équipe en technologie de l'information du cabinet d'avocats Ogilvy Renault a plaidé coupable en 2010 à des accusations de délit d'initié portées par l'AMF et accepté de payer des amendes totalisant 1 260 336,56 $. L'homme avait utilisé les permissions qu'il détenait sur le réseau informatique du cabinet pour obtenir des informations privilégiées l'ayant incité à effectuer des transactions boursières sur 13 sociétés inscrites en Bourse.

Renée Morier et Sylvain Milette

Mme Morier a tiré profit d'informations obtenues à titre d'adjointe exécutive d'un haut dirigeant de BCE. Elle les a aussi communiquées à des membres de son entourage, dont son conjoint (M. Milette), un ami du couple (Francis Beauchamp), les parents de M. Beauchamp et les parents de Mme Morier.

Mme Morier et M. Milette ont conjointement été condamnés en août 2017 à une amende de 354 000 $. Les parents de M. Beauchamp ont été condamnés à une amende de 676 847 $ et ont dû rembourser 269 795 $.

Louis-Robert Lemire

M. Lemire s'est vu imposer des pénalités administratives de 195 000 $, en mai 2015, en lien avec 19 transactions constituant des délits d'initié. Il était alors un initié de Pétrole Gale Forces.

Richard Quesnel

Ancien président et chef de la direction de la société minière Consolidated Thompson, M. Quesnel a été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation et condamné à des amendes totalisant 132 974 $, en mai 2011. Deux autres hommes, Martial Côté et Patrice Live, ont reçu des amendes de 18 000 $ et 5000 $ dans le même dossier.

Carl Larivière

L'ancien contrôleur de la société TransForce a plaidé coupable à cinq chefs d'accusation et a dû verser des amendes de près de 90 000 $, en décembre 2015.

Charles Beaudet et Virginie Dionne-Bourassa

Le père de M. Beaudet était un administrateur de la société MédiSolution, qui était sur le point de recevoir une offre d'achat. Aucune preuve ne révélait la transmission volontaire de l'information par l'initié, mais les intimés auraient néanmoins entendu des discussions les informant de l'offre imminente. Ils ont été condamnés à des amendes de plus de 35 000 $, en novembre 2016.

Louis-Philippe Séguin

Courtier en valeurs mobilières, M. Séguin avait réalisé des transactions illégales avec les actions de GardaWorld, au sein de laquelle il avait déjà été membre du conseil d'administration. Il a été condamné à 35 000 $ d'amende en 2007 et son appel a été débouté en 2008.

Mega Brands

L'AMF avait entrepris en 2011 des procédures visant divers dirigeants de la société Mega Brands, à qui elle réclamait un total d'environ 6 500 000 $. Ce fut toutefois un échec, puisque les accusations ont été rejetées.